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L'ambassade des Etats Unis, la chef de la MINUSTAH et le "Core Group" réclament un accord au plus vite

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Déclaration de l'Ambassade des Etats-Unis
sur la conjoncture politique en Haiti

Le gouvernement des Etats-Unis est encouragé par les négociations en cours en vue de résoudre l'impasse politique actuelle et exhorte fermement toutes les parties à s'asseoir et à travailler de manière constructive pour trouver une solution haïtienne qui mène à des élections inclusives.

Le gouvernement américain réaffirme son soutien à la tenue d'élections crédibles et transparentes en Haïti, lesquelles exigeront la participation de l'ensemble des partis politiques. Le choix du peuple haïtien ne peut se refléter avec exactitude le jour des élections qu'avec la participation d'un large éventail de partis politiques.

À cette fin, le gouvernement américain a déjà mis en place un programme solide pour appuyer le déroulement des élections et la participation de l'électorat haïtien, et en attendant l'approbation du Congrès des États-Unis, le gouvernement américain est prêt à supporter des mesures additionnelles afin que les partis politiques démocratiques puissent y prendre part, et participer pleinement dans le processus électoral.

(Fin du texte)

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti et les membres du "Core Group" exhortent tous les acteurs politiques à se mettre d'accord, avant la fin de cette semaine, pour sortir de la crise politique et électorale
Port-au-Prince, 7 janvier 2015 - La Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti et d'autres membres de la communauté internationale en Haïti représentés au sein du « Core Group » (les ambassadeurs du Brésil, du Canada, de France, d'Espagne, des États-Unis d'Amérique, de l'Union Européenne, et le Représentant spécial de l'Organisation des États américains) notent avec une vive préoccupation qu'une solution à la crise politique n'a pas encore étéétablie moins d'une semaine avant que le Parlement ne devienne dysfonctionnel.

En vue de renforcer la stabilité, de préserver les acquis démocratiques et de garantir le développement durable en Haïti, les membres du « Core Group » exhortent tous les acteurs politiques à se mettre d'accord afin de trouver une solution à l'impasse politique et électorale avant la fin de cette semaine, conformément aux recommandations de la Commission Consultative Présidentielle, dans l'intérêt supérieur de la nation.

Le « Core Group » réitère son soutien au processus inter-Haïtien indispensable à la formation, dans les plus brefs délais, d'un gouvernement de consensus et d'un Conseil Electoral Provisoire pour créer les conditions nécessaires à la réalisation en 2015, d'élections libres, équitables, inclusives et transparentes.
(Fin du texte)


L'occupation américaine et les Volontaires de la Servitude Nihiliste (VSN) [3 de 7], par Leslie Péan, 2 janvier 2015

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« La généralisation de la médiocrité a créé un courant nihiliste dans la classe politique qui revendique Tèt Kale l'absence de toute valeur, le triomphe du rien et des vauriens. » (p.2, quatrième partie du présent article)

L'hécatombe prévue par Anténor Firmin en 1911 et que nos mauvaises coutumes auguraient, se rapprochait à vive allure. Avec l'exécution de 167 prisonniers incarcérés au Pénitencier national le 27 juillet 1915 par les sbires de Charles Oscar Étienne (1), le prétexte est trouvé pour l'invasion des marines américains le lendemain 28 juillet 1915. Après les premières escarmouches, l'armée haïtienne est dissoute par l'amiral américain Caperton qui utilise autant la corruption par l'argent que la répression pour neutraliser les 308 généraux et 50 colonels répartis sur le territoire et disposant de troupes sous leur commandement.

Les occupants utilisent le pouvoir de l'argent pour contraindre les parlementaires à voter la Convention en 1915, pour acheter la reddition des Cacos et pour obliger Vincent à se courber en 1931 quand l'ambassadeur américain Dana Munro décide de ne pas payer les salaires des fonctionnaires publics, y compris celui du président de la République (2). L'occupation américaine met fin à l'ordre sacré du 19e siècle haïtien s'appuyant sur les deux piliers que sont le koupe tèt boule kay des guerres civiles et nos ripailles sur le dos des paysans obligés d'obéir à un système semi-féodal de production et de commercialisation.

Les pathologies dont souffre la société

La soulouquerie rose que vit Haïti aujourd'hui avec les Tèt Kale a des racines profondes et nombreuses. Déjà en 1911, le patriarche jérémien Alain Clérié pensait que l'annexion aux Etats-Unis était la seule solution pour permettre à Haïti de trouver un second souffle. Il n'était pas le seul dans cette voie. Parmi les annexionnistes, on peut compter Antoine Rigal, curieusement, autre Jérémien, Alfred Célestin, de Port-au-Prince, et l'ensemble de la communauté syro-libanaise. Le pays était dépassé par les événements, par la faiblesse de ses institutions, par l'incohérence de ses dirigeants. Les scandales ne manquaient pas, même si on était encore très loin de la situation actuelle où les dirigeants ne savent même pas sous l'égide de quelle Constitution le pays est dirigé. Alain Clériéétait tellement exaspéré par la déréliction ambiante qu'il écrit le 21 février 1911 au Président américain William H. Taft : « Je termine ces lignes, où saigne mon âme meurtrie par les détresses de mes compatriotes, en sollicitant de votre bienveillance, dans le cas où vous vous seriez laissé pénétrer par la pureté et la sincérité de mon intention et de mes sentiments, qu'elle daigne me faire l'honneur de m'inspirer quant aux moyens de provoquer l'influence ou le contrôle effectif sur Haïti du gouvernement des Etats-Unis (3). »

Le massacre des 167 prisonniers à la prison centrale de la capitale le 27 juillet 1915 est la dernière convulsion de la corruption qui met toute la société en état de choc. L'abîme trouve une caisse de résonance. C'est un vrai délire qui crée un cauchemar général. L'étalage de la corruption de l'État apporte de l'eau au moulin de ceux qui revendiquent ouvertement l'annexion d'Haïti aux Etats-Unis. Le massacre des 167 prisonniers est un drame insupportable pour la population, mais particulièrement pour la classe politique. Parmi les victimes, on peut compter l'ancien Président Oreste Zamor, les trois frères Seymour, Sievers et Maurice Polynice, Alfred Celcis, Justin Turnier, Gaspard Nérette, etc.

Les réactions populaires ne devaient pas tarder et inaugurer une autre étape dans la danse de mort. Dans un mouvement de quitte ou double, l'opposition joue son va-tout, décide de violer l'ambassade de France dans une fuite en avant un peu folle et s'empare du président Vilbrun Guillaume Sam qui est exécuté immédiatement.

« Dépecé en morceaux, ce cadavre fut promenéà travers toutes les rues de Port-au-Prince, et la foule, une foule ivre d'alcool et de sang, lui fit cortège, tandis qu'une jambe et un bras étaient montrés en trophée dans l'Avenue Républicaine, l'autre jambe et l'autre bras étaient trainés à l'autre bout de la ville, dans les hauteurs de Turgeau et du Bois-Verna, de telle sorte que pas un de nos quartiers ne put se plaindre de n'avoir pas eu sa part du spectacle (4). »

La recherche des remèdes au mal haïtien passe par un diagnostic sur les pathologies dont souffre la société. La recherche de pouvoir prime tout. C'est ce que découvre le résistant Antoine Pierre-Paul confrontéà la traitrise de citoyens aux ambitions exagérées et aux prétentions exaspérantes. Antoine Pierre-Paul écrit : « Cicéron Dimanche me trahit et trahit son pays pour quarante dollars que le colonel Waller m'a dit lui avoir versés pour faire avorter la prise d'armes (5). » Les volontaires de la servitude nihiliste incarnés dans un premier temps par le président Sudre Dartiguenave sont en compétition entre eux pour montrer à l'occupant qu'ils sont plus malléables que leurs adversaires. D'où cette déclaration du colonel américain Waller : « Depuis que je suis ici, je chasse les espions par la porte, il en vient d'autres par la fenêtre (6). »

Les volontaires de la servitude nihiliste sont conscients d'être en liberté surveillée et agissent comme des chiens en laisse. Dans leur lutte pour survivre, ils sont prêts à tout et même àêtre des maîtres-chiens. Il s'ensuit un chen manje chen, un sectarisme dont l'influence stupéfiante a même étonné le général américain Waller en 1916 quand il a constaté, par-delà la résistance armée des Cacos et de l'Union Patriotique, comment les Haïtiens s'offraient volontairement pour être des espions pour les troupes d'occupation. «À Cuba pendant longtemps, dit le général américain Waller, je n'ai pas pu recruter un espion. Aux Philippines, la seule fois qu'un homme s'est offert, c'était un agent des rebelles, mais à peine avions-nous débarquéà Port-au-Prince que des citoyens s'engageaient dans notre service d'espionnage. Volontairement. Comment ne pas les mépriser ! (7) »

Les collabos et autres esclaves volontaires ne se font pas prier pour rendre service au Blanc. Ils ont troqué avec fierté une barbarie pour une autre. Ils diront même que c'est mieux d'être battu par un Blanc que de l'être par un Noir. « Le coup de pied n'importe pas. Ce qui importe c'est la couleur du pied qui vous entre dans le derrière (8) ».

L'usage arbitraire de l'autorité

Avant que le barbarisme «État failli » ne soit créé dans les années 1990, la faillite de l'État haïtien était réelle depuis les années 1911-1915. L'organisation Fund For Peace qui publie l'Indice des pays fragiles depuis l'année 2005 classe Haïti comme un des quinze pays faillis du monde depuis une décennie. Pour l'année 2014, Haïti est classée le 9e pays le plus failli de la planète avec une nette tendance à la détérioration des droits humains et au non-respect de l'État de droit.

L'occupation américaine a provoqué en premier lieu la résistance armée du soldat Pierre Sully, le jour même du débarquement des marines, qui en est mort. D'autres soldats haïtiens blessés ce jour-là sont Macédoine, Macius, Ledan, Occilius, Saintilus et le capitaine-adjudant Germain (9). Puis, c'est le Dr. Rosalvo Bobo, chef de la révolution proclamée contre le tyran Vilbrun Guillaume Sam, qui proteste contre l'occupation dans une lettre ouverte en date du 8 septembre 1915 adressée au Président américain (10). Les Américains utilisent la corruption pour casser le mouvement Caco dans le Nord. Le 29 septembre 1915, les chefs Cacos Antoine Morency et Pétion Jean-Baptiste signent au Quartier Morin, un accord avec le colonel Littleton W. T. Waller, de l'infanterie de Marine des Etats-Unis, avec pour témoins le colonel américain Ely K. Cole et le général Charles Zamor, pour le désarmement des Cacos (11).

Toutefois, la reddition des Cacos dans le Nord ne constitue pas la fin du mouvement armé. En effet, le 5 janvier 1916, Antoine Pierre-Paul organise le premier mouvement armé d'envergure contre l'occupation. Entretemps, le député Raymond Cabèche refuse de signer la Convention proposée par les Américains. Ce dernier déclare : « Qu'est ce que cette Convention ? Un protectorat imposéà Haïti par M. Wilson. Par cette Convention, nous décrétons pour le peuple haïtien la servitude morale en place de l'esclavage physique qu'on n'ose plus aujourd'hui rétablir (12). » Le député Cabèche jette sa cocarde de député sur le sol et laisse la Chambre pour protester contre la servitude morale le 6 octobre 1915. Il fait un émule. Son collègue Necker Lanoix le suit et démissionne également.

Après la prise d'armes d'Antoine Pierre-Paul et du général Joseph Misaël Codio dans le Sud-Ouest en 1916, ce sont les paysans Cacos ayant à leur tête Charlemagne Péralte et Benoît Batraville qui opposent une résistance armée aux Américains. Quand les Cacos seront vaincus, le flambeau de la lutte sera repris par les Cacos de la Plume avec l'Union Patriotique sous la direction de Georges Sylvain, Elie Guérin, Perceval Thoby, Pauléus Sannon, Joseph Jolibois Fils, etc. Cette résistance a culminé en la grève des étudiants de Damiens de 1929 qui a mis le feu aux poudres (13). Ce fut la première grève des étudiants de l'histoire d'Haïti. La résistance haïtienne à l'occupation a aussi bénéficié du soutien d'un compositeur et chanteur, Auguste Linstant Despradines, dit Candio, dont les chansons patriotiques et humoristiques ont défrayé la chronique dès le 17 octobre 1915. Ironie de l'histoire, on trouvera dans la descendance de ce même Candio un autre chanteur qui, devenu président de la République, posera, par son ignorance et son arrogance, les bases d'un durcissement de l'occupation actuelle. (à suivre)

(1) Roger Gaillard, Les Blancs débarquent, Tome II, 1914-1915, Les cent jours de Rosalvo Bobo ou une mise à mort politique, Presses Nationales, Port-au-Prince, 1973, p. 87-99.

(2) « U.S. blackjacks Haiti, cuts off everybody's pay », The AfroAmerican, November 17, 1931.

(3) Voir Archives Nationales de Washington, 838.00/528, cité par Roger Gaillard in « L'Impérialisme sait aussi attendre », Le Nouveau Monde, Port-au-Prince, 30 novembre 1977 et 1er décembre 1977.

(4) Berthoumieux Danache, Le Président Dartiguenave et les Américains, Port-au-Prince, Imprimerie de l'État, 1950, Reproduction Fardin, 2003, p. 16.

(5) Antoine Pierre-Paul, La première protestation armée contre l'occupation américaine et 260 jours dans le maquis, Port-au-Prince, Imprimerie Panorama, 1968, p. 47.

(6) Berthoumieux Danache, Le Président Dartiguenave et les Américains, op.cit. p. 55.

(7) Antoine Pierre-Paul, La première protestation armée contre l'occupation américaine, op. cit., p. 47.

(8) Léon Laleau, Le Choc : chronique haïtienne des années 1915-1918, Port-au-Prince, Librairie La Presse, 1932 ; Port-au-Prince : Imprimerie Centrale, 1975, p. 88.

(9) Joseph Jolibois Fils, « Boîte aux lettres », Le Matin, 31 juillet 1915, p. 2.

(10) Rosalvo Bobo, Écrits politiques, Pétion-ville, C3Éditions, 2013, 163-176.

(11) « Accord entre les Cacos, le Contre-Amiral Caperton et le gouvernement haïtien », Le Matin, 11 octobre 1915.

(12) Raymond Cabêche cité par Dantès Bellegarde, La résistance haïtienne, 1936, cité par Suzy Castor, L'occupation américaine d'Haïti, Port-au-Prince, Société Haïtienne d'Histoire, 1988, p. 61.

(13) Leslie Péan, « Combattre l'occupation et les bandits légaux », Le Nouvelliste, 1er décembre 2014.

Le gouvernement américain, tout en exhortant les acteurs politiques haïtiens au compromis, s'engage à soutenir le président Martelly et les institutions du "gouvernement légitime" quoiqu'il advienne

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Le 11 janvier 2015
No. 2015/ 03

Déclaration de l'Ambassade des Etats-Unis en Haïti sur l'impasse politique

Le gouvernement des Etats-Unis supporte fermement les efforts accomplis par le Président Martelly pour arriver à un consensus politique global en vue de résoudre l'impasse politique en Haïti. Le gouvernement américain constate avec de graves inquiétudes que malgré les diverses concessions faites par le Président, le Parlement n'a pas encore voté une loi électorale pour faciliter l'organisation des élections en 2015.

Dans le peu de temps qui reste avant la fin du mandat constitutionnel de l'actuel Parlement le 12 janvier, nous exhortons toutes les parties à se mettre d'accord sur un cadre en ce qui concerne les mandats parlementaires, la création d'un nouveau Conseil Electoral Provisoire, le vote des amendements de la loi électorale, et la formation d'un gouvernement de consensus.

Le gouvernement des Etats-Unis exhorte fortement les parties à trouver une solution qui garantit la continuité des institutions républicaines d'Haïti en conformité avec la Constitution. Toutefois, si cette solution ne peut être trouvée d'ici le 12 janvier, les Etats-Unis continueront de travailler avec le Président Martelly et quelles que soient les institutions du gouvernement légitime haïtien en place en vue de sauvegarder les avancées significatives que nous avons réalisées ensemble depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Le peuple haïtien a le droit d'élire ses dirigeants, et dans ces circonstances, les Etats-Unis s'attendraient à ce que le Président se serve de ses pouvoirs exécutifs de manière responsable en vue d'organiser des élections inclusives, crédibles et transparentes, rapidement que possible.

(Fin du texte)

L'occupation américaine et les Volontaires de la Servitude Nihiliste (VSN) [4 de 7], par Leslie Péan, 2 janvier 2015

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« La généralisation de la médiocrité a créé un courant nihiliste dans la classe politique qui revendique Tèt Kale l'absence de toute valeur, le triomphe du rien et des vauriens. »
(p.2, quatrième partie du présent article)

La Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté (Women's International League for Peace and Freedom) a conduit une enquête en Haïti en 1926 afin d'y observer l'impact de l'occupation américaine. À son retour à Washington, Emily Greene Balch a présenté au président américain Calvin Coolidge un rapport intitulé Haïti occupée (Occupied Haïti) dans lequel la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté déclare :

« Nous préparons les Haïtiens àêtre des subordonnés, à travailler sous les autres, lesquels prennent les responsabilités. Nous leur enseignons à accepter le contrôle militaire comme la loi suprême et à acquiescer à l'usage arbitraire de l'autorité (1). »

Le comportement de la classe politique haïtienne semble donner raison à cette affirmation. Par-delà la résistance qui a mené un combat jusqu'au départ des marines en 1934, l'occupation américaine a créé une classe politique perverse composée de ce que j'appelle les Volontaires de la Servilité Nihiliste (VSN) qui gouverne Haïti depuis lors. Le premier de cette classe politique néfaste est Sténio Vincent qui, tout en se présentant comme un nationaliste, s'est révélé un réactionnaire des plus coriaces, qui a fait de la servitude (le restavèk) une politique permanente, sans fin.

Vincent vient du groupe de « savants-ignorants » (2) qui a préféré Nord Alexis à Anténor Firmin en 1902 et il a alimenté contre ce dernier une propagande malsaine dans le journal L'Effort. Pour soulever la population de la capitale contre Firmin, Sténio Vincent diffusa la rumeur que Firmin avait donné l'ordre à l'amiral Killick de bombarder la capitale avec son bateau de guerre la Crête-à-Pierrot. Un autre « savant-ignorant » est Louis Edouard Pouget qui, de son poste d'ambassadeur d'Haïti en Allemagne, dénonce Firmin en décembre 1910 au Département d'État en affirmant que Firmin est financé par des intérêts français pour combattre les Américains en Haïti.

Grand orateur et démagogue, Sténio Vincent a gagné ses gallons de nationaliste pour avoir craché le mot de Cambronne au nez des Américains venus fermer les portes du Sénat en 1917. Par la suite, Vincent n'a jamais cessé d'évoquer comme des gallons gagnés sur le champ de bataille la saute d'humeur qui lui a fait dire « merde » au major américain Smedley Butler. Il a si bien joué qu'il fut membre de la délégation composée de Perceval Thoby et Pauléus Sannon, qui présenta le Mémoire de l'Union Patriotique au Congrès américain à Washington en 1921. En bon nihiliste qui ne croit en rien, Sténio Vincent a laissé toute une école de disciples qui ont continué sa politique obscurantiste. Il fut élu président le 18 novembre 1930 grâce au renvoi des élections du 17 novembre 1930 et à la combine de l'achat des votes des députés au cours de la nuit avec l'argent fourni par l'homme d'affaires Edouard Estève et Guiseppe Fietta, le Nonce Apostolique. De résistant, Vincent est devenu collabo et a montré patte blanche dans la servitude nihiliste.

Des compromis qui glissent vite à la compromission

Il importe de montrer les limites des tours de pensée qui laissent croire qu'un militant des luttes nationalistes jouant au laloz (néologisme créole désignant l'ambigu) puisse faire la différence et ne pas continuer simplement la politique du même. Sténio Vincent est la démonstration de la folie qui attaque la conscience haïtienne dans son essence. Nous excellons à essayer de faire mentir Einstein qui disait : « La folie consiste à refaire sans cesse la même chose et à s'attendre à des résultats différents. » La compromission avec la saleté ne peut aboutir qu'à la souillure. En Haïti, nous excellons dans le particulier et nous agissons comme si nous étions persuadés qu'il n'existe pas de lois universelles. Tout voum se do. Il n'y a pas de valeur. La généralisation de la médiocrité a créé un courant nihiliste dans la classe politique qui revendique Tèt Kale l'absence de toute valeur, le triomphe du rien et des vauriens. La manière de voir fondamentale est « Sak te gen tan gen la a », une expression qui fait l'apologie du vide.

Aujourd'hui par exemple, dans l'intérêt d'une fausse conception de la stabilité, un courant empirique veut maintenir Martelly comme président tout en sachant qu'il a été frauduleusement élu. Les critiques contre ce dernier sont beaucoup plus graves que celles retenues contre le premier ministre Lamothe. Pourtant c'est ce dernier qui est forcé de démissionner le 14 décembre 2014. On se demande comment fonctionnent les cerveaux qui font de tels choix aberrants. Pourtant ces mêmes cerveaux reconnaissent que Martelly a l'entière responsabilité de la crise car c'est bien lui qui a violé la Constitution et n'a pas organisé les élections en 2011 et 2012. Ces compromis glissent vite à la compromission et font passer très vite du positif au négatif.

Le pseudo argument présenté pour tenter de légitimer l'acceptation de la bêtise est de dire que le remède est pire que le mal et que l'alternative n'est pas claire et définie. Ces partisans du compromis avec les bandits légaux ont généralement du grain à moudre, aussi petit soit-il. Le réservoir psychique du statu quo réside donc dans l'incohérence des forces démocratiques qui n'arrivent pas à sortir de la logique implacable du chen manje chen pour offrir une alternative crédible. Dans tous les cas, la légèreté des forces démocratiques ne saurait servir d'alibi au manque de lucidité des partisans obligés des trafiquants de drogue et des kidnappeurs imposés par la communauté internationale.

Hier, Sténio Vincent qui se présentait comme novateur, s'est révélé un conservateur engoncé dans l'archaïsme. Parmi les actions négatives qui ont marqué ses mandats de 1930 à 1941, on peut citer :
1) les élections frauduleuses de 1930 et 1932 ; 2) la dissolution de l'Union Patriotique ;
3) l'élimination de Joseph Jolibois ; 4) la vente de braceros haïtiens à Cuba et en République Dominicaine ; 5) l'Accord du 7 août 1933 ; 6) les arrestations de Joseph Jolibois fils, Jacques Roumain, Georges J. Petit, Jean Brierre, etc. ; 7) la Constitution fasciste de 1935 ; 8) l'élimination des pouvoirs législatif et judiciaire ; 9) la révocation des onze sénateurs en 1935 ; 10) l'affirmation du courant fasciste avec Mallebranche Fourcand, René Piquion, etc. ;
11) le massacre des Haïtiens par Trujillo en 1937 et la complicité de Vincent ; 12) l'assassinat de Louis Callard (3) ;

La colonialité de l'être

En novembre 2010, au salon du livre de Montréal, j'ai lancé l'ouvrage collectif « Entre savoir et démocratie - Les luttes de l'Union nationale des étudiants haïtiens (UNEH) sous le gouvernement de François Duvalier ». Rappelant à cette occasion le combat mené par Anténor Firmin contre la colonialité du savoir, j'ai affirmé alors : « Aucune refondation ne pourra être possible si c'est sur la même base que les deux derniers siècles. Cette fois-ci, tout le monde doit participer à la reconstruction. Mais en Haïti, plus de 90% de la population est mise à l'écart. Sans compter que 5% de la population détient 50% du revenu national. Aucun développement n'est possible dans ces conditions. Haïti est condamnéà une malédiction mise en place par les esclavagistes il y a plusieurs siècles et depuis, les Haïtiens n'ont pas pu trouver la bonne formule pour s'en sortir. »

Ces mots ont encore plus de pertinence si on les applique à la période qui commence en 1915. En effet, un siècle après être sorti des griffes du colonialisme français en 1804 par une lutte armée sans merci, l'Haïtien est retombé sous celles de la doctrine de Monroe. Au cours du 19e siècle, les Haïtiens n'ont pas su se donner la main pour inventer un espace leur permettant de se désaliéner mentalement et de créer les conditions matérielles d'une vie harmonieuse. Les éruptions sociopolitiques et économiques n'ont cessé de se déclencher avec leurs cortèges de feu, de sang et de misère. La colonialité a survécu à l'indépendance tant au niveau de la production, du pouvoir que de l'être. Elle n'a pas disparu des esprits malgré l'indépendance de 1804 et elle s'est renforcée avec l'occupation américaine.

En effet, « la colonialité s'était abattue sur la planète comme une chape de plomb. Cette colonialité dans sa forme la plus pernicieuse, qui est celle du savoir, postule que toute connaissance vient des Blancs et que les autres peuples sont arriérés congénitalement. À cette dimension épistémique s'ajoute une dimension ontologique (colonialité de l'être) et les deux se combinent pour imposer une gouvernementalité articulant infériorité déclarée naturelle des uns et civilisation/modernité des autres (4). » Cette infériorité déclarée se traduit sur le plan politique par la pratique de l'arbitraire et du despotisme militaire. La recrudescence des soulèvements paysans avec Germain Pico sous Dessalines, Goman sous Pétion et Boyer, les Piquets en 1843, les Cacos à la fin du 19e siècle, témoigne du refus des cultivateurs d'accepter les rapports sociaux imposés par des propriétaires fonciers et des commerçants protégés par les généraux.

L'impunité triomphante

Le renforcement de la colonialité se manifeste autant au niveau de la biopolitique avec la question de couleur qu'à celui des croyances utilisées pour exclure la grande majorité de la population de la conduite des affaires nationales. Cette exclusion refuse l'État de droit et les relations sociales basées sur le respect mutuel. L'occupation américaine crée des volontaires de la servitude nihiliste à travers l'intériorisation de ce que Negri et Hardt nomment les « mécanismes internes de subjectivation » (5). Il importe de s'attaquer à la subjectivité et aux valeurs propres de l'Haïtien qui les transforment en esclaves volontaires devant toute autorité publique et surtout devant le président de la République.

Les cas de personnes se mettant à genoux devant le président ne datent pas de l'époque des Tèt Kale comme Luckner Noël, député de Ouanaminthe, l'a fait le 14 mai 2013. On se souvient du ministre Jean Julmé déclarant à la radio en 1966 lors de son procès « jamais je ne trahirai mon maître ». Dans l'optique de la servilité nihiliste, il faut abêtir le citoyen au point qu'il ne puisse pas penser par lui-même. Cet abêtissement commande de confier la direction du pays à des comédiens tontons macoutes. Jean-Claude Duvalier symbolise un de ces vauriens qui ont humilié la nation et qui l'ont préparée à accepter d'autres ineptes imposés par la communauté internationale. Comme l'a montré le cinéaste Arnold Antonin (6), dans l'entendement de l'impunité triomphante, il faut se prosterner devant la bêtise et surtout ne pas humilier les vauriens en leur disant leurs quatre vérités.

L'impunité triomphante exige d'atrophier les neurones du cerveau de l'Haïtien. Par exemple, aujourd'hui la Commission consultative fait toutes sortes de recommandations sauf celle de traduire en justice les voleurs, corrupteurs et autres responsables de la crise. Ainsi, la pensée autonome est totalement découragée afin que les Haïtiens acceptent leur propre asservissement et y consentent. Pour qu'ils ne voient pas la réalité, il faut leur mettre les lunettes de l'ésotérisme, de l'occultisme et de la magie.

Il s'agit de renforcer la perte de sens de l'orientation introduite avec l'occupation américaine. Tout doit être fait pour déboussoler les Haïtiens comme le montre Léon Laleau dans son roman Le Choc (7). Les mercenaires à la solde des intérêts privés font tout pour maintenir au pays un environnement de stérilité. Léon Laleau fait dire à ces personnages que les Haïtiens doivent apprendre l'anglais et qu'une langue n'est pas seulement un assemblage de mots, mais « une âme dans des mots ». De plus, pour les aspirants au pouvoir la stratégie idéale consiste à s'allier aux étrangers pour vaincre les rivaux haïtiens. C'est avec la loi martiale consacrant l'état de siège que l'occupant américain gouverne contrairement aux principes énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. (à suivre)

(1)« We are training them to subordinate themselves, and work under others, who take the responsibility. We are teaching them to accept military control as the supreme law, and to acquiesce in the arbitrary use of superior power. » Emily Greene Balch, ed., Occupied Haiti, New York : The Writers Publishing Company, Inc., 1927, p. 153.

(2) Un savant-ignorant est un « un monsieur qui se comportera, dans toutes les questions qu'il ignore, non comme un ignorant, mais avec toute la pédanterie de quelqu'un qui, dans son domaine spécial, est un savant », José Ortega y Gasset, La révolte des masses, Paris, Les belles Lettres, 2010, p. 188.

(3) Leslie Péan, « L'occupation américaine et le vrai visage de Sténio Vincent » (1 de 5), Alterpresse, 17 juillet 2013.

(4) Leslie Péan, Comprendre Anténor Firmin, Une inspiration pour le XXIè siècle, Port-au-Prince, Editions de l'Université d'Etat d'Haïti, 2012, p. 225.

(5) Michael Hardt et Antonio Negri, Commonwealth, Stock, 2012.

(6) Arnold Antonin, « Témoignages pour l'histoire de l'impunité en Haïti », quatre DVD, Port-au-Prince, Centre Pétion-Bolivar, Octobre 2014.

(7) Léon Laleau, Le Choc : chronique haïtienne des années 1915-1918, op. cit.

Martelly promet « un seul décret » pour les élections

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« Je n'entends prendre qu'un seul décret relatif à l'organisation des élections », a déclaré lundi le chef de l'Etat en marge de la cérémonie officielle de commémoration du 5ème anniversaire du séisme de 2010.

Dans son discours de circonstance, M. Martelly a dénoncé ceux qui, selon lui, veulent semer le chaos. Il a appelé au calme et à la sérénité en vue de garantir la stabilité et favoriser la tenue d'élections libres.

M. Martelly, son épouse et le premier ministre nommé Evans Paul ont déposé de concert une gerbe de fleurs au monument érigéà Morne Saint-Christophe (près de Titanyen) où s'est déroulée la cérémonie. C'est en ces lieux que la majorité des victimes du séisme de 2010 ont été ensevelies. [RK]

Paralysie des activités commerciales à Jimani/Malpasse

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GARR (Groupe d'Appui aux Rapatriés et Refugiés)

mardi, 13 janvier 2015 20:41

Haïti /République Dominicaine : Les activités commerciales paralysées depuis 2 jours à la frontière de Jimani/Malpasse

Le marché de Jimani/Malpasse a été une nouvelle fois bloqué, ce mardi 13 janvier 2015 en raison d'un prélèvement d'une taxe de 2500 pesos réclamée par les autorités dominicaines aux étudiants-es et aux commerçants-es haïtiens qui ont passé plus de 30 jours en République Dominicaine. Les syndicalistes de l'Association des Transporteurs et Travailleurs de Malpasse (ATTM) à Fonds-Parisien ont entamé depuis le lundi 12 janvier, un mouvement de grève pour exiger des autorités dominicaines l'annulation de cette mesure déclarée illégale. Ils entendent aussi dénoncer les rapatriements en série d'Haïtiens/Haïtiennes ayant débuté le 2 janvier écoulé, a appris le GARR.

Les 12 et 13 janvier 2015, les usagers/usagères qui étaient venus ( es ) effectuer leurs transactions au marché frontalier de Jimani, étaient obligés (es) de rebrousser chemin à cause des activités commerciales qui ont été paralysées, selon des témoignages recueillis.

Le Responsable de l'ATTM, Romain Dérissaint a dénoncé la décision prise par les autorités dominicaines qui exigent à chaque commerçant-e haïtien (e) la présentation d'un passeport valide pour avoir accès au marché frontalier de Jimani.

« Comment comprenez-vous que les autorités dominicaines demandent à un (e) commerçant (e) de présenter son passeport pour traverser la frontière tandis qu'il/elle va faire une transaction temporaire ? », s'est-il interrogé.

Le syndicaliste a par ailleurs dénoncé les mauvais traitements subis par les migrants-es haïtiens (es) au cours des rapatriements.

Pour seulement le 12 janvier 2015, 43 Haïtiens dont 13 femmes et 8 enfants ont été rapatriés à la frontière de Jimani/Malpasse. Ces personnes rapatriées ont été interceptées dans les rues de la République Dominicaine tandis qu'elles vaquaient à leurs occupations ordinaires.

« Je travaille comme femme de ménage chez une Dominicaine. J'étais toute surprise quand des agents de la migration étaient venus me chercher chez moi avec mes 4 enfants pour ensuite me reconduire à la frontière de Jimani. », a-t-elle confié, le 12 janvier 2015, à deux représentants du GARR qui étaient sur place.

Soulignons que depuis la signature du Protocole d'accord sur les mécanismes de rapatriements d'Haïtiens paraphé le 2 décembre 1999 par les autorités haïtiennes et dominicaines, le GARR a toujours dénoncé sa violation pendant les rapatriements. Il ne cesse de plaider jusqu'à date pour son application effective.

Une rencontre binationale à laquelle ont participé des représentants de la Police nationale haïtienne et dominicaine, des syndicalistes de transport et le général des Forces armées dominicaines a été tenue sur la frontière de Jimani dans l'après-midi du 12 janvier 2015. Au terme de cette rencontre, aucune décision favorable à la résolution de ce conflit n'a été prise. Une autre est prévue ce vendredi 16 janvier en vue du déblocage des activités commerciales à la frontière de Jimani/Malpasse. [GARR]

Une opposition armée dans le Nord ?

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L'ex-sénateur Moïse Jean-Charles a dénoncé mardi une intervention musclée de la police dans la zone de Milot (Nord) où certains de ses partisans ont été malmenés et blessés. Pour lui, c'est le début de la persécution contre lui et les opposants par le président Martelly qui va autoritairement diriger par décret.

Moise Jean-Charles met Evans Paul en garde contre son statut de premier ministre de facto vu que son choix n'a pas été ratifié par le parlement. Il l'appelle à y renoncer.
L'ex-sénateur annonce l'intensification de la mobilisation anti-gouvernementale suite à la concertation des différentes composantes de l'opposition.

- L'inspecteur Garry Desrosiers, porte-parole adjoint de la Police Nationale d'Haïti (PNH) a informé mardi que la police a effectivement réalisé une intervention dans la zone de « Barrière battant », dans la zone de Milot, pour disperser des manifestants qui avaient bloqué une artère principale. Un individu qui portait un révolver de calibre 38 a été arrêté ainsi qu'une autre personne, précise le porte-parole. La police a pris le contrôle de la situation dans la zone, a-t-il conclu.

- Des membres d'une organisation politique de cette région ont fait savoir mardi au correspondant de Radio Kiskeya dans le Nord qu'ils ont décidé de mettre un terme à la lutte pacifique et de s'engager dans la lutte armée. « Koupe tèt, boule kay » est déjà leur slogan, ont-ils fait savoir. [RK]

Une opposition armée dans le Nord ? :

Moïse Jean-Charles dénonce une intervention musclée de la police dans la zone de Milot :

Incidents à Milot : Réactions de l'inspecteur Garry Desrosiers, porte-parole de la PNH :

Première rencontre du chef de l'Etat avec 9 des 10 sénateurs restants

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Le sénateur de l'Ouest Steven Benoit a claqué la porte en raison du comportement irrévérencieux du président Martelly à son égard.

- En solidarité avec lui, le sénateur du Nord-Est, Jean-Baptiste Bien-Aimé, a également abandonné la table de discussions.

- Le sénateur Benoit explique avoir dû laisser la salle quand le chef de l'Etat a commencéàélever le ton sur lui au moment où il présentait une formule de sortie de crise. Il déclare avoir pris la décision afin d'éviter que la réunion ne dégénère.

- Le sénateur de la Grand'Anse, Andrys Riché, qui se présente comme le nouveau président du Sénat, estime qu'il s'agissait d'un banal incident. Il précise que la rencontre visait à harmoniser les relations entre les pouvoirs Exécutif et Législatif en vue de la poursuite de la gouvernance du pays. Il fait savoir que le chef de l'Etat a promis de consulter les dix sénateurs restants sur toutes les décisions qu'il entend adopter. [RK]

1ère rencontre du chef de l'Etat avec les sénateurs restants : Steven Benoit claque la porte :

Rencontre de Martelly avec les sénateurs restants : Jean-Baptiste Bien-Aimé abandonne la discussion :

1ère rencontre de Martelly avec les sénateurs restants : Visite "d'harmonisation" selon Andrys Riché :


L'occupation américaine et les Volontaires de la Servitude Nihiliste (VSN) [5 de 7], par Leslie Péan, 2 janvier 2015

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« La généralisation de la médiocrité a créé un courant nihiliste dans la classe politique qui revendique Tèt Kale l'absence de toute valeur, le triomphe du rien et des vauriens. » (p.2, quatrième partie du présent article)

L'organisation par le président Vincent de la défaite de la candidature du député nationaliste Joseph Jolibois fils aux élections législatives du 10 janvier 1932 est très significative. En tant que représentant de la première circonscription de Port-au-Prince, Jolibois était président de la Chambre des Députés. Vincent le fait arrêter et garder en prison 60 jours avant les élections afin de l'empêcher de faire campagne. L'action du gouvernement contre Jolibois a pour objectif de favoriser Nemours Vincent, frère du Président Sténio Vincent. C'est l'entrée en gare du premier train du nihilisme, cette négation des valeurs. Joseph Jolibois fils est alors le symbole de la résistance nationaliste contre l'occupation américaine. Infatigable lutteur, il avait déjàété emprisonné plus de quatorze fois par les Américains, soit au total près de quatre ans. Son journal Le Courrier haïtien à l'avant-garde des luttes patriotiques est interdit en de nombreuses occasions.

L'Amiral américain Caperton instaure la loi martiale le 3 septembre 1915 et se déclare « investi du pouvoir et de la responsabilité du gouvernement dans toutes ses fonctions et branches sur tout le territoire » (1). À la lumière de telles pratiques, on peut mieux apprécier le mot de Dantès Bellegarde qui écrit : « L'une des conséquences morales les plus désastreuses de l'Occupation, c'est le mépris général de la loi qu'elle a fait naître, la loi, étant devenue un simple instrument de règne qu'un pouvoir absolu fait, défait et modifie à son gré, n'impose plus aucun respect : on n' y obéit que pour échapper à ses sévères sanctions, décrétées et appliquées par la force brutale (2). »

Un chien peut être élu président

La fascination atterrée des Haïtiens devant le président de la République les conduit à fermer les yeux sur les problèmes de fond susceptibles de déplaire à ce dernier. De ce fait, Il ne peut exister d'équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le personnel politique est aveugle devant le président de la République et cette situation prend des formes particulièrement percutantes. L'Occupation américaine a renforcé cet état de choses en instituant la révocation des juges et l'abolition du Parlement qui fut remplacé par le Conseil d'État en avril 1916 sous le président Dartiguenave. À coté du référendum imposé pour circonvenir l'organisation d'élections honnêtes et sincères, l'occupant américain a créé la Garde d'Haïti, devenue en 1958 l'Armée d'Haïti, qui a reçu l'obligation sacrée d'entretenir la tradition des élections gagnées d'avance.

L'omnipuissance de l'armée était telle dans les années cinquante qu'après la chute du Président Magloire, le capitaine Jacques Laroche pouvait dire au lieutenant Franck Laraque : « Vous voyez ce chien dans la rue, l'Armée a le pouvoir de le faire Président » (3). Mais le plus grave est qu'on trouve des Haïtiens pour se prosterner devant le chien sous prétexte que le pays doit être dirigé ! Le colonel Pressoir Pierre, dans son ouvrage « Témoignages, 1946-1976 : l'espérance déçue », a exposé avec force détails les manigances effectuées par l'armée pour donner le pouvoir à François Duvalier en 1957. De nos jours, l'armée a été remplacée par la communauté internationale qui est allée plus loin. Elle s'est même permise de changer le gagnant après la tenue des élections de 2010 en ordonnant au CEP de Gaillot Dorsinvil de proclamer Michel Martelly président au détriment de Mirlande Manigat.

L'intrusion américaine dans les affaires haïtiennes n'a rien changé dans la misérable situation financière du pays. Elle l'a même aggravée en forçant Haïti à recourir au concours des États-Unis pour la réalisation de ses moindres ambitions de développement. Or justement, des raisons idéologiques (la ségrégation raciale) empêchaient les capitalistes américains de faire un pas dans cette direction. Mais, là où l'occupation a carrément échoué, c'est sur le plan politique et particulièrement sur le plan électoral où aucun renouveau sérieux ne peut être observé. Bien sûr, les élections ont lieu sous l'occupation sans que le général candidat ne descende avec son armée à la capitale et entoure le Parlement de ses troupes jusqu'à ce que le vote de l'Assemblée nationale sanctionne un état de fait.

Tout en faisant mine de s'attaquer à cette forfaiture, les Etats-Unis ont créé la Garde d'Haïti qui a centralisé cette tâche de protéger le régime présidentiel absolu conçu sur le modèle américain mais réalisé avec des déformations grossières. Ainsi, les forces d'occupation ont réglé son compte au système électoral démocratique. Les détracteurs de la participation populaire trouvaient un solide allié chez le commandant des forces d'occupation John H. Russell. Ce dernier déclare, dans son rapport de 1925, que « les paysans qui forment la masse (85%) de la population et qui ont si longtemps été maintenus par leurs frères dans un état d'arriération, ont la mentalité d'un enfant de pas plus de 7 ans élevé dans de bonnes conditions » (4). Au nom de ces masses paysannes, sous l'égide d'un nationalisme culturel de mauvais aloi, les représentants des fractions dirigeantes des classes moyennes vont investir l'arène politique pour se procurer ainsi, sans complication, leur billet d'entrée dans le maintien du statu quo.

Toutefois, les élites locales ne se sont pas laissé déposséder de leurs prérogatives. Les mauvaises habitudes sont au rendez-vous à chaque élection avec plus d'ardeur que jamais. Le président Vincent aura même le soin de récupérer la « combine » du référendum introduit par l'Occupation pour faire accepter la Constitution de 1918. En procédant à« l'haïtianisation » de cette pratique plébiscitaire, Vincent se donne les moyens de garder le pouvoir et diriger sans le contrepoids du Parlement. Parallèlement, le pouvoir exécutif gardait la haute main sur le processus électoral. D'ailleurs, la Constitution de 1935 ne reconnaît que le pouvoir exécutif. Le législatif et le judiciaire ne sont plus des pouvoirs et ne deviennent que des Corps. Haïti était donc bien partie pour avancer dans le mauvais sens. L'arbitraire affiche son vrai visage et n'avance plus sur la pointe des pieds.

Cent ans de gouvernance d'occupation

De l'occupation américaine de 1915-1934 à l'occupation par la Garde d'Haïti de 1934 à 1957, puis de l'occupation macoute de 1957 à 1986, le relais est pris à nouveau par l'occupation de l'Armée d'Haïti de 1986 à 1994, puis par l'occupation des Nations Unies sur la période de vingt ans comprise entre 1994 et 2014. Haïti aura ainsi vécu cent ans de gouvernance d'occupation. Les gardiens de l'archaïsme veillent en permanence en laissant la mort, sinon l'amertume et le chagrin, dans les cœurs et les esprits. L'amateurisme politique consiste justement à penser pouvoir gouverner avec un chef d'État qui dirige en violant la loi et en se drapant derrière l'impunité. Une tradition forte que nous charrions depuis 1804.

Ceux qui ont fait leurs classes chez les tontons macoutes croient fermement qu'avoir du pouvoir c'est commettre des crimes en toute impunité. Les coupables ne sont pas jugés et rient aux nez de ceux qu'ils ont embastillés, avilis et détruits. Le dernier en date est Jean-Claude Duvalier qui a bénéficié de l'impunité en dansant sur la musique d'accompagnement de cette alliance maléfique des gouvernements Préval et Martelly. L'horreur insoutenable est dans cette manière de faire qui dénie la justice au citoyen commun et qui place la liberté au centre d'un jeu de dupes. Aucun développement n'est possible avec cette logique de désinvolture.

C'est bien que les forces de la communauté internationale reviennent parfois sur leurs forfaitures au moins en paroles. Cela ne les empêche pas de recommencer avec d'autres marionnettes pour défendre leurs intérêts. C'est la logique des empires et il faut compter avec. Par contre, quand les victimes saluent leurs bourreaux, c'est de l'absurdité qui s'identifie à la servitude nihiliste. Ce n'est pas de la générosité mais de l'insouciance qui encourage la répétition des abus et des crimes. C'est cultiver le goût de la surface et de la solitude pathétique que notre chère Haïti charrie depuis 210 ans. Quand la justice n'existe pas dans une société, la parole reste muette et on est obligé« de se parler par signes ».

L'empoisonnement des esprits

Tout en restant colléà l'actualitéévénementielle, l'observateur averti doit prendre ses distances d'elle pour tenter de comprendre ce qui s'est passé en Haïti au cours de ce siècle de gouvernance d'occupation 1915-2015. La genèse des volontaires de la servitude nihiliste n'est pas à chercher chez Sudre Dartiguenave ou même chez Louis Borno. En réalité, sous Vincent, le formatage de la complaisance subventionne les assassins, qui peuvent ainsi dormir tranquilles. Le moule de l'opinion encourage l'empoisonnement des esprits, l'absence de poursuites judiciaires et l'impunité. Le conditionnement servile permet à des bandits de tout acabit de pavoiser en engourdissant les consciences. La longévité de la servitude nihiliste a accouché de la politique de la délinquance en plaçant des riens et des vauriens au sommet de l'État. Des gens peu recommandables sans moralité et sans scrupules.

Pendant longtemps en Haïti on a eu des gens qui font classe à part et ceux qui ont de la classe. Parfois c'étaient les mêmes, et c'était à vous de juger et de choisir. Roger Dorsinville explique cette situation en disant :

« Parce que c'était comme ça : la représentation de ce peuple noir ne devait être assurée que par des hommes clairs ; à la chancellerie comme à l'extérieur, sauf le cas des exilés politiques : Salomon, Anténor Firmin, Louis Joseph Janvier, Constantin Mayard, il était difficile, pour un jeune noir de rêver de l'extérieur. En onze ans de Vincent, à part Mayard, on ne comptait comme ministre plénipotentiaire à l'extérieur que l'exceptionnel très grand et très beau, sous une peau noire, lisse et brillante, Dr. Louis Baron, nomméà Londres (5). »

Dorsinville ajoute que les Noirs au pouvoir en 1946, en accord avec cette servitude nihiliste, octroyaient « les postes de ministre de Commerce et des Finances à un de ces messieurs sous prétexte que le commerce était affaire de leur classe et les finances habituées à leur gestion (6). » En dépit des apparences, cette pratique irrationnelle s'est poursuivie sous le régime de François Duvalier qui plaça des clairs pour diriger les principales missions diplomatiques à l'étranger : à Washington avec Arthur Bonhomme ; à Paris avec Pierre Merceron ; à Bruxelles avec Lucienne Heurtelou Estimé, etc. On est en droit de se demander les raisons qui font qu'un peuple continue de s'extasier devant des personnages qui sont l'inverse de ce qu'ils représentaient hier.

Les tontons macoutes ont créé le monde à l'envers aboutissant au délire phrénologique des Tèt Kale aujourd'hui. Les effets pervers de la politique de prébendes noiristes ont accouché d'un basculement des « clairs » dans les Tèt Kale et autres désordres de toute nature. Basculement inconcevable au temps des Victor Cauvin, Pierre Hudicourt, Charles Fombrun, François Dalencour, qui revendiquaient un certain ordre moral. Dans sa critique de l'inconscient collectif, l'auteur de « Barrières » disait en 1945 que la société haïtienne croyait que « le Blanc est un capital ambulant » (7). Qu'aurait-il dit aujourd'hui devant cette prosternation devant ce choix imposé par le Blanc ? Heureusement que les protestations de la multitude aujourd'hui permettent d'affirmer que les Haïtiens ne veulent pas se laisser diriger par la nullité !

Le chavirage a fait disparaître de l'autre côté les Clément Jumelle, Jean Price-Mars, Gaston Jumelle, Stephen Alexis, Roger Dorsinville, etc. Le pourrissement des idées progressistes crée un climat porteur d'une dérive des idéaux qui a atteint des sommets avec le Jean-Claudisme. La boite à outils vincentienne a donné lieu à des pratiques d'arrestation, d'élimination des opposants et des journalistes indépendants. C'est le cas avec l'élimination physique de Louis Callard, Joseph Jolibois fils et la fermeture des journaux Le Courrier haïtien, Le Pays, La Bataille, Le Peuple, La Libre Tribune sous le gouvernement de Vincent. La politique se fait désormais sous le signe de la servitude nihiliste. Être restavek pour rien devient l'ultime finalité de l'existence. Sale temps quand le choix de société se fait au détriment du savoir et de l'éthique ! (à suivre)

(1) « invested with the power and responsibility of government in all its functions and branches throughout the territory », Arthur Chester Millspaugh, Haiti under American control, 1915-1930, Negro Universities Press, 1931, p. 60.

(2) Dantès Bellegarde, L'Occupation américaine d'Haïti – ses Conséquences Morales et Economiques, Port-au-Prince, Haïti, Imprimerie Chéraquit, 1929, p. 12.

(3) Franck Laraque, « Colonel Pierre Haspil : l'autre face de l'armée », Tanbou, automne-hiver 2013-2014.

(4) U.S. Department of State, Fourth Annual Report of the American High commissioner at Port-au-Prince to the Secretary of State, Government Printing Office, Washington, D.C., 1925, p. 4.

(5) Roger Dorsinville, Marche Arrière, Tome II, Port-au-Prince, Éditions des Antilles, p. 242.

(6) Ibid.

(7) Roger Dorsinville, Barrières, Port-au-Prince, Editions Henri Deschamps, 1946, p. 21.

Branle-bas autour de la formation du Conseil Electoral Provisoire

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Les associations s'activent au milieu de vastes controverses autour du choix de leurs représentants respectifs au Conseil Electoral Provisoire (CEP), conformément à l'accord du 11 janvier intervenu entre l'Exécutif et 4 partis politiques.
Si, dans le secteur des médias, le choix du confrère Pierre Manigat Jr. s'est effectué sans casse, tel n'a pas été le cas au sein d'autres secteurs et entités. La situation était, de ce point de vue, difficile dans le secteur protestant et dans celui des organisations de (...)

- Actualité

Réouverture de l'Hôpital St-François de Sales

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Inauguration jeudi des nouveaux locaux de l'Hôpital St François de Sales dont les installations avaient été détruites dans le séisme du 12 janvier 2010. Le coût des travaux réalisés par la firme dominicaine OTESA s'élève à plus de 22 millions de dollars.

La cérémonie de réouverture du centre hospitalier s'est déroulée en présence, entre autres, du chef de l'Etat, Michel J. Martelly, de la première ministre a.i. et ministre démissionnaire de la santé publique, Florence Duperval Guillaume, de l'ambassadrice des Etats Unis à Port-au-Prince, Pamela Ann White, de plusieurs prélats haïtiens et du président de la Conférence épiscopale américaine, Mgr Joseph Kurtz. [RK]

Le Carnaval national revient à Port-au-Prince

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L'agent exécutif intérimaire en charge de la Mairie de Port-au-Prince, Pierre Richard Duplan, a annoncé jeudi que le carnaval national se tiendra cette année à Port-au-Prince.

Le thème du carnaval n'a pas encore été défini, selon le responsable.

Le carnaval se déroule les 15, 16 et 17 février prochains.

Au cours de ses 3 premières années de pouvoir, le président Martelly a déplacé le Carnaval national successivement aux Cayes (Sud), au Cap-Haïtien (Nord) et aux Gonaïves (Artibonite). En compensation aux habitants de Port-au-Prince, il a organisé 3 carnavals des fleurs à la fin de juillet pendant les 3 années correspondant aux carnavals nationaux.[RK]

Insurrection armée dans le Nord : un mort dans des affrontements avec la police

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Mouvement armé dans le Nord, plus précisément à Milot : un des leaders de l'insurrection armée, Ducken Monfrère, alias Ti Blan, a été tué jeudi après-midi dans des affrontements avec la police. L'incident est survenu au cours d'une intervention de la police dans la localité dénommée Bahon.

L'ex-sénateur Jean-Charles Moïse avait pris ses distances mercredi avec ce mouvement au sujet duquel il déclare tout ignorer. Il en avait profité pour réaffirmer son ferme engagement en faveur de la lutte démocratique et pacifique.

Parallèlement à ces incidents dans le Nord, une nouvelle montée de tension est constatée dans les quartiers de Simon et Pelé (Cité Soleil), dans l'aire de l'aéroport international de Port-au-Prince où 2 personnes ont été tuées par balle, dont une adolescente de 6 ans, dans des affrontements entre bandes rivales mercredi après-midi.

Des habitants de Pelé qui se disent être les principales victimes de ces violences, dénoncent la bande dénommée « Baz 117 » qui, selon eux, auraient bénéficié du support des casques bleus de l'ONU cantonnés dans la zone. Ils font savoir que parmi les assaillants se retrouvent plusieurs détenus du Pénitencier national ayant recouvré la liberté samedi dernier.

De nombreux riverains ont dû se réfugier dans des quartiers limitrophes. Les incidents se sont poursuivis pendant la journée de jeudi. Des tirs nourris partaient des quartiers de Simon et Pelé [RK].

L'occupation américaine et les Volontaires de la Servitude Nihiliste (VSN) [6 de 7] par Leslie Péan, 2 janvier 2015

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« La généralisation de la médiocrité a créé un courant nihiliste dans la classe politique qui revendique Tèt Kale l'absence de toute valeur, le triomphe du rien et des vauriens. » (p.2, quatrième partie du présent article)

Au cours de ses voyages en Amérique latine pour sensibiliser les peuples frères à la cause haïtienne, Joseph Jolibois fils a rencontré nombre de dirigeants progressistes, dont Augusto César Sandino au Nicaragua (1). Jolibois a aussi développé d'étroits rapports avec l'Association nationale pour la promotion des Gens de Couleur (NAACP en anglais) et son président James Weldon Johnson aux États-Unis. Le journal The Crisis de cette organisation reflétait les vues des patriotes haïtiens luttant pour la libération d'Haïti. La popularité de Jolibois gêne Vincent qui ne peut accepter l'existence d'un politique qui évolue en toute indépendance. Pour la pensée archaïque et réactionnaire, Haïti doit évoluer au temps d'avant Copernic et Kepler où l'on croyait que le soleil tourne autour de la terre. Avec cette conception des Diafoirus de la politique, Vincent décide la perte de Jolibois.

L'assassinat de Jolibois dans sa cellule

Jolibois est emprisonné le 17 novembre 1931 par le juge Élie Lescot (futur président) sous l'accusation d'avoir tuéÉlius Élie, député de Lascahobas. Sous les ordres du président Vincent, une fausse lettre portant la signature de Jolibois est fabriquée et « trouvée dans la poche du mort invitant ce dernier à une rencontre nocturne au carrefour Hinche/Belladères pour lui révéler un complot machiavélique contre lui (2). » Bien sûr, les progressistes sont hostiles à cette magouille et n'appuient pas la position du gouvernement de Sténio Vincent qui organise des fraudes électorales contre les démocrates du cartel nationaliste de 1930.

Selon le journal Le Peuple, « Les élections législatives et communales du 10 janvier (1932) dernier furent vraiment, sous les yeux de l'occupation qui sévit encore dans le pays, et un peu avec la complicité dissimulée des officiers nord-américains de la Garde, un coup de force du Gouvernement contre le peuple. Un peu partout dans le pays, les électeurs furent maltraités, battus à l'aide de rigoises ou de matraques, pendant toute la période électorale. Des centaines allèrent en prison, sous les prétextes les plus fallacieux. À l'Arcahaie, une femme (Madame Atercie Guériné) fut baïonnettée le jour même des élections. À Port-au-Prince, un député dont le mandat n'avait pas pris fin, Mr Joseph Jolibois Fils, l'ex-président de la Chambre, fut emprisonné despotiquement et gardé au secret plus de 60 jours, parce que le gouvernement avait peur de son immense popularité ; pour les mêmes raisons, Mr. Georges J. Petit, candidat à la magistrature communale, fut arrêté un soir en pleine rue, envoyé en prison, et le lendemain condamnéà l'amende par la justice de paix, soi-disant pour bruits et tapages ; Mr. Alphonse Kébreau, candidat du cartel Jolibois à la magistrature communale de l'Arcahaie fut jetéà la prison de la capitale, où il mourut le 2 janvier 1932, ainsi qu'un électeur du nom de Bazile Baptiste (3). »

Par exemple, le président Vincent somme René Auguste de choisir entre son poste de ministre et son journal La Presse qui protestait contre les fausses accusations proférées contre Jolibois. Auguste se rallie à Vincent et ce sera le dernier numéro de son journal. Les six sénateurs Fouchard Martineau, Léon Nau, Seymour Pradel, David Jeannot, Dr. Jean Price-Mars, Antoine Télémaque adressent une lettre à M. Emmanuel Rampy, Ministre de l'Intérieur dans laquelle ils protestent contre le traitement infligéà leur collègue Jolibois.

Dans une pétition, Emile Roumer, Jacques Roumain et Louis Mevs protestent contre l'incarcération de Jolibois dans un asile d'aliénés. Ils déclarent : « Peuple Haïtien, un crime sans nom vient d'être perpétré contre vous, contre le Droit, contre la liberté individuelle. Un de vos plus zélés défenseurs vient d'être enferméà la maison de fous sous prétexte qu'il a perdu le contrôle de ses facultés. […] Nous vous dénonçons ce fait que l'on vient d'ajouter à un dossier déjà très lourd. Monsieur Jolibois fils n'est pas fou. Il eut dû le devenir devant la banqueroute organisée dans le pays avec tant de cynisme et d'audace. Il est l'homme qui porta pendant 18 ans la Croix de la Résistance ; l'Haïtien intégral qui lutta contre l'Occupation américaine ; la victime des régimes successifs soutenus par les baïonnettes américaines : le prisonnier sans peur dont l'Occupation fit hier un forçat et dont aujourd'hui, un ancien membre du Cartel fait un fou. (4) »

Dans la tradition du KGB russe, le pouvoir de Vincent utilise la psychiatrie comme son allié. On connaît la suite. Les six sénateurs sont tous révoqués en 1935 ainsi que quatre autres collègues qui ont rejoint leurs positions. Quant à Joseph Jolibois fils, suite aux trois incarcérations en 1932 et 1933 sous de fausses accusations, il est à nouveau arrêté le 24 août 1934, accusé d'avoir signé un article paru en juin 1934 dans Cri des Nègres, un journal martiniquais publiéà Paris. Jolibois est incarcéré avec huit autres personnes dont Jean Brierre, François Saturnin, Max Hudicourt, Louis Callard, Alphonse Henriquez, Demosthènes Massanté, Max Chalmers et Georges Petit (5). Le tribunal militaire condamne Jolibois, Petit et Saturnin à trois ans de prison et 5 000 gourdes d'amende le 20 septembre. Les accusés ont tous nié avoir écrit et signé l'article en question. Mais même s'ils l'avaient écrit, leur condamnation représente une violation de la liberté de la presse. Cas encore patent aujourd'hui. On peut se référer au cas de Jean-Robert Vincent, emprisonné par Réginald Delva, Secrétaire d'État à la Sécurité Publique, du 28 juillet 2012 au 30 décembre 2014, soit deux ans et cinq mois, parce qu'il avait en main des tracts appelant au boycottage du carnaval des fleurs organisé par le gouvernement Martelly.

Le télescopage des arrestations de Jolibois conduit parfois à utiliser les accusations d'une année pour une autre dans la détermination des causes de sa disparition. La plus grosse des machinations ourdies contre lui est l'affaire Élius Élie qui parasite les autres dont celle brandie par les bandits de Vincent pour le jeter en prison. Mais même en prison, Jolibois demeure gênant pour Vincent qui le fait assassiner dans sa cellule le 12 mai 1936. Les efforts du gouvernement Vincent pour occulter sa disparition sont vains. Tel que l'exprime Michel Soukar, « le 14 mai 1936, le peuple fit de ses funérailles une véritable apothéose. Seuls les journaux d'Amérique du Nord et de l'Amérique Latine lui consacrèrent des articles élogieux. En Haïti, pas une note dans aucun périodique (6). » Au fait, le journal Le Nouvelliste ne devait lui rendre hommage que 25 ans plus tard, le 18 mai 1961, en soulignant que même décédé, il faisait trembler les bandits au point que « trois mois après sa mort, la tombe continuait àêtre gardée par un factionnaire » (7).

La castration des corps et l'excision des esprits

Le dispositif politique mis en place sous l'occupation américaine se renforce nettement après le départ des derniers marines le 15 août 1934. La répression contre les démocrates et opposants commence immédiatement avec l'arrestation du groupe des neuf militants. Le président Vincent ne tolère pas d'être dénoncé pour le gaspillage des deniers publics et pour la lenteur mise à faire partir les Marines américains protégeant son gouvernement. Même après avoir purgé leur peine de prison, certains sont assassinés. C'est le cas avec Louis Callard en novembre 1938. Il a payé de sa vie pour avoir dénoncé le rôle joué par Résia Vincent, la sœur du président Vincent, dans la vente des Haïtiens comme braceros en République Dominicaine. Vincent agit ainsi surtout pour se débarrasser des têtes fortes opposées à son projet de réélection en violation de l'Article 76 de la Constitution de 1932.

Le procès des neuf militants de 1934 constitue une mutilation pour la société entière qui regarde en observateur impuissant l'holocauste de ses meilleurs enfants. Le couvert est remis sur la table à intervalles réguliers sous les gouvernements successifs pour arriver à l'arrestation des frères Enold et Josué Florestal en 2012. Et parfois, même les victimes sont de la partie. Certaines se préparent à cette immolation comme si elles allaient à une fête. Au baptême « rat » de l'apocalypse de la condition haïtienne. Dans leur inconscient, mourir est beau ! N'est-ce pas ? Dans la culture de l'impunité triomphante, le dicton "ou pa konn ki mò ki touye lamperè" veut tout dire. On répète la vieille antienne « bay peyi-a yon chans » pour embrasser la canaille, réchauffer les plats rassis et recommencer la mascarade.

Sur cette même lancée, le tribunal militaire devait condamner parallèlement Jacques Roumain à trois années de prison pour ses activités politiques. Ces procès d'août-septembre 1934 sont des échantillons représentatifs de la mascarade judiciaire telle qu'elle se déroule depuis. La castration des corps s'accompagne surtout de l'excision mentale effectuée allègrement (tèt kale) et de la dilapidation du capital social. Exit la confiance nécessaire pour vivre ensemble. La désagrégation refuse toute jouissance qui ne soit pas primitive et perverse. Pour avoir refusé leur soumission volontaire à la culture d'obédience au chef de l'État, les neuf ont payé cher. Les officiers du tribunal militaire siégeant aux Casernes Dessalines, constitué du colonel Henri Clermont, assisté des majors Durcé Armand et Léon F. Holly, ont alors joué leur rôle de volontaires de la servilité nihiliste pour exercer les pressions nécessaires sur ces patriotes et les condamner. L'univers mental créé avec l'occupation américaine se révèle dans toute sa laideur en brisant ce qui restait des valeurs morales et éthiques pour la « génération de la gifle » qui dure encore.

Ayant éliminé tous ceux qui avaient une personnalité capable de s'opposer à lui, Vincent change la Constitution en 1935 et se donne un nouveau mandat. Et il trouve des bandits pour l'applaudir. Mallebranche Fourcand, président du Club des amis du Président Vincent, écrit le 25 mai 1936 : « Propageons, instaurons le Vincentisme afin que, à l'instar du fascisme en Italie et de l'hitlérisme en Allemagne, il devienne pour nous autres, Haïtiens, une école de civisme et de loyalisme ; pour qu'à son ombre et sous son égide, nous puissions constituer une escouade d'hommes capables de perpétuer le régime d'ordre, de paix et de justice instauré par le président Vincent, car pour que notre pays puisse évoluer normalement et progressivement, il faut au pouvoir durant encore un quart de siècle toute une succession de chefs d'Etat formée à l'école du Vincentisme (8). » (le gras est de nous) On retrouve dans ce texte les germes de la pensée de Jacques Fourcand qui, président de la Croix-Rouge haïtienne en 1963, lancera l'idée de faire d'Haïti un « Himalaya de cadavres » si la population se soulève.

D'autres fantassins ont les mêmes réflexions. C'est le cas pour Félix Viard qui déclare : « Et n'est-on pas tenté, en présence de toutes les belles réalisations obtenues, de regretter – comme beaucoup d'entre nous ont eu cette pensée à l'égard de cet autre grand haïtien que fut le Général Nord Alexis --- que Monsieur Sténio Vincent ne fut venu plus tôt à la Présidence de la République ? (9) »

Éliminer tous ceux qui ne veulent pas ramper

L'empreinte de l'occupation américaine sur la classe politique est dramatique. Elle crée un monde à l'envers avec des personnages qui sont mis en situation pour devenir des volontaires de la servitude nihiliste. Pour mettre au pas la classe politique, Vincent commence par bloquer la révision constitutionnelle de 1930 en achetant certains députés dont Dumarsais Estimé (futur président). En effet, selon le syndicaliste Lydéric Bonaventure, la corruption vincentienne commence avec : « la fameuse séance de la révision constitutionnelle de la Chambre de 1930 par un acte de trahison inqualifiable. Dans une réunion intime, Estimé fit la promesse formelle à ses collègues : Descartes Albert, Bellerive, Jolibois, Rousseau, etc. de voter avec eux pour la révision immédiate de la Constitution de 1930. Appelé dans la nuit de Décembre 1931 par Vincent, Estimé promit à ce dernier de trahir en votant contre la révision immédiate. En effet, Estimé trahit ses honorables collègues, le lendemain il vote contre. Stupéfaction ! Surprise ! Colère ! Indignation ! Les poings sont fermés, les dents sont serrées. Le traitre debout regarde insolemment l'assistance. Vaugues veut l'abattre, mais il est retenu par ses collègues. Sur 17, seul Estimé a trahi ; tous sont encore vivants, excepté Jolibois qui est mort en prison. C'est ce qui vaut à Estimé son retour à la Chambre en 1932 (10). »

Le commandant Astrel Roland a décrit avec un luxe de détails comment Étienne Moraille devient par la fraude député de l'arrondissement des Côteaux à la place de William Pluviôse aux élections législatives de 1930. Le scénario se reproduit aux élections législatives de janvier 1932 avec encore plus d'acuité. Malgré les tractations du préfet et du commissaire du gouvernement, les résultats sont largement favorables à Pluviôse. Alors, les partisans de Moraille prennent les grands moyens. Le procès-verbal est déchiré. Un nouveau est créé avec des signatures falsifiées, et Moraille est déclaré gagnant. Selon le commandant Astrel Roland, « la Chambre des députés ne réagit point en présence du procédé grotesque et de la barbarie des fonctionnaires responsables. Au contraire, les pouvoirs de Moraille furent validés, à Port-au-Prince. N'est-ce pas une honte nationale ? (11) »

Cédant à sa griserie de puissance, Vincent n'élimine pas uniquement Joseph Jolibois, mais tous ceux qui refusent de ramper à ses pieds. Aussi, en pleine occupation américaine, aux élections législatives du 10 janvier 1932, il laisse transpirer l'appétit de pouvoir qui l'anime en faisant l'impasse sur toute éthique. « Les autres députés qui perdent leur siège sont Edgar Nérée Numa, des Cayes ; Juvigny Vaugues et Descartes Albert, du Cap-Haïtien ; Horace Bellerive, du Trou du Nord ; Lys Latortue, des Gonaïves. C'est aussi le cas pour d'autres députés, dont Jean-Baptiste Cinéas, Durville Jean-François, Laurent Saint-Louis, Frédéric Burr-Raynaud, Victor Cauvin, Marc Cauvin, etc. Le président Vincent les remplace par des inconditionnels qui exécutent ses ordres (12). » Des inconditionnels qui sont comme les agents exécutifs intérimaires de Martelly aujourd'hui.

En tant que père des volontaires de la servitude nihiliste, Vincent n'en est pas sorti riche. Au fait, il n'a jamais payé ses dettes aux marchandes d'acassan ou à d'autres personnes à qui il devait de l'argent. Tout son plaisir est d'avoir réduit l'homme haïtien à sa plus simple expression en s'assurant qu'il ne pourra jamais plus se ressaisir. Le tyran François Duvalier devait bénéficier de ses conseils dès son arrivée au pouvoir par les élections frauduleuses de 1957. C'est en effet ce vieux madré qui lui soufflera le nom de Frédéric Duvigneaud comme ministre de l'Intérieur de son premier cabinet en octobre 1957. L'histoire retiendra que l'assassinat des frères Charles et Ducasse Jumelle par une nuit d'août 1958 s'est produit à la ruelle Alix Roy pendant que Frédéric Duvigneaud dirigeait ce ministère et que le communiqué annonçant ce double meurtre attribuéà Clément Barbot portait sa signature. Frédéric Duvigneaud était le Secrétaire d'État des Travaux Publics en 1935, puis Secrétaire d'État de l'Intérieur et enfin Secrétaire d'État des Relations Extérieures et des Finances en 1936 sous le gouvernement de Vincent.

L'effet d'éviction

La dynamique actuelle de la crise provoquée par l'arrogance de Michel Martelly n'est pas nouvelle en Haïti. Malgré l'ignorance qu'on peut avoir sur l'occupation américaine de 1915-1934, ce passé conditionne notre conscience du présent en le surdéterminant. Surtout dans un pays sous occupation de la MINUSTAH. Le calibre d'intelligence nécessaire pour analyser la conjoncture actuelle découlant de cette période demande d'aller au fond des choses. Cela exige de faire appel à la raison et à la connaissance dans la saisie des articulations entre les problèmes en présence. Des problèmes qui confinent à la schizoïdie, comme le fait justement remarquer le psychiatre Joël Des Rosiers (13).

En effet, les problèmes sont multiples. Joël Des Rosiers en a présenté six principaux : nègre/mulâtre, français/créole, villes/campagnes, mornes/plaines, vaudou/catholique, zombi/chrétien vivant. Il faut en ajouter dix autres pour résumer les seize stations de notre chemin de croix : État indépendant/État occupé ; propriétaires/travailleurs ; commerçant/propriétaire terrien ; dette/autofinancement ; militaire/civil ; vieux/jeune ; lettré/analphabète ; marché national/marchéétranger ; vivres/denrées ; État/secteur privé. La tâche n'est pas aisée pour aller au cœur du problème et déterminer chaque jour et à chaque étape les contradictions fondamentales, principales, secondaires. Quelle est la variable d'importance stratégique ? Comment faire pour que la vision découlant de l'expérience propre de chacun et de son idéologie s'adapte aux faits dans un contexte où le relativisme culturel tend à primer les universaux éthiques ?

Ces questions sont encore plus complexes quand on considère que l'architecture du système de production du nouvel État est héritée de la colonie de Saint-Domingue et repose sur le travail de l'esclave. Cet ordre économique devenu dès 1801 le caporalisme agraire n'a jamais été remis en question dans ses fondements par les généraux propriétaires qu'ont été nos aïeux. Non seulement l'ordre politique né en 1804 n'a pas apporté de remède à cet ordre économique rétrograde, il l'a plutôt consolidé en dépit des nombreuses révoltes paysannes pour l'accès à la terre. D'où le mot d'Edmond Paul disant que « Haïti est née la tête en bas », et celui de Dantès Bellegarde disant que « Haïti est née sans tête ». Le changement est combattu tant par le faible niveau d'éducation que par les « coupeurs de tête » convaincus que « créer des écoles, c'est ensemencer la révolution ».

L'effort conceptuel de pensée de notre intelligentsia est marginalisé par la représentation coloniale de l'autorité intériorisée par nos satrapes et autres dictateurs. Les valeurs, les idéologies et les représentations n'ont pas évolué au même rythme que la réalité. Pire, l'ordre politique a décidé de couper toutes les têtes qui dépassent. Après avoir essayé pacifiquement d'exiger son contrôle des douanes et des finances haïtiennes, les Américains l'ont fait de force le 28 juillet 1915. Pour s'assurer d'un taux de prélèvement obligatoire permettant de garantir le paiement des titres de la dette haïtienne détenus par les capitalistes de Wall Street, le gouvernement américain a fini par imposer à Haïti la Convention de 1915. On continue de faire les mêmes choses et on espère des résultats différents. Le triomphe de cette inclination obscurantiste se manifeste aujourd'hui par le respect prôné devant la bêtise qui caracole Tèt Kale. Un respect d'autant plus inacceptable qu'il a un effet d'éviction sur les démocrates de l'opposition, dont la timidité excessive contraste nettement avec l'audace sans bornes des coquins au pouvoir.

Les gymnastiques bancaires qui ont abouti à l'emprunt de 1922 de 23 millions de dollars ont finalement placé Haïti dans les filets de la tutelle financière américaine. Depuis lors, tous les emprunts d'Haïti sont captés en gros par les firmes américaines exécutant les projets, comme ce fut le cas avec les emprunts de 1922, J. G. White, SHADA, « trois emprunts (qui) n'ont nullement aidé au développement économique du pays dont le volume de la production n'a pas augmenté (14). » Ce qui reste de ces emprunts est accaparé par l'oligarchie au pouvoir avec la corruption. Comme c'est le cas avec les fonds PetroCaribe, la Commission Intérimaire de Reconstruction d'Haïti (CIRH) et généralement l'aide accordée à Haïti après le tremblement de terre de 2010. (à suivre)

(1)Michel Hector, « Solidarité et luttes politiques en Haïti : l'action internationale de Joseph Jolibois Fils 1927-1936 » dans l'ouvrage de Michel Hector, Crises et mouvements populaires en Haïti, Montréal, CIDIHCA, 2000.

(2) Leslie Péan, « L'occupation américaine d'Haïti et le vrai visage de Sténio Vincent (2 de 5) », Alterpresse, 18 juillet 2013.

(3) Joseph Jolibois fils, « Pour l'histoire – Coup d'œil rétrospectif : Les élections du 10 janvier 1932 », dans La doctrine de Monroe, Port-au-Prince, Imprimerie Héraux, 1932.

(4) Annie Hilaire Jolibois, Démocrates et Démocratie, Port-au-Prince 1994, p. 120-121.

(5) Leslie Péan, « L'occupation américaine d'Haïti et le vrai visage de Sténio Vincent (4 de 5) », Alterpresse, 26 juillet 2013.

(6) Michel Soukar, « Présentation » dans Joseph Jolibois Fils, La doctrine de Monroe et autres textes, C3Éditions, 2014, p. 17. Lire aussi Alan McPherson, « Joseph Jolibois Fils and the Flaws of Haitian Resistance to U.S. Occupation », Journal of Haitian Studies, Vol. 16, No. 2 (Fall 2010),

(7) « Un grand journaliste haïtien : Joseph Jolibois fils », 18 mai 1961, Le Nouvelliste, p. 4.

(8) Malebranche Fourcand, « Organisons Notre Parti », Le Matin, Port-au-Prince, Haïti, 7-8 juin 1936.

(9) Félix Viard, « Le secret de la force du gouvernement – La manière de M. Vincent », La Relève, numéros 9-10-11, P-au-P, Haïti, mars-avril-mai 1936 p. 340.

(10) Lydéric Bonaventure, « La trahison de la nuit de Décembre 1931 », La Nation, no. 456, 3 Juin 1946.

(11) Astrel Roland, Le naufrage d'une nation, Québec, Imprimerie Laprairie, 1981, p. 87.

(12) Leslie Péan, « L'occupation américaine d'Haïti et le vrai visage de Sténio Vincent (2 de 5) », Alterpresse, op. cit.

(13) Joël Des Rosiers, Théories Caraïbes, Montréal, Triptyque, 1996, p. 99.

(14) Pierre L. Hudicourt, Pour notre libération économique et financière, Port-au-Prince, 1946, p. 8.

L'occupation américaine et les Volontaires de la Servitude Nihiliste (VSN) [7 de 7] par Leslie Péan, 2 janvier 2015

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« La généralisation de la médiocrité a créé un courant nihiliste dans la classe politique qui revendique Tèt Kale l'absence de toute valeur, le triomphe du rien et des vauriens. »
(p.2, quatrième partie du présent article)

La ruse utilisée par les forces d'occupation a consistéà signer l'Accord Exécutif du 7 août 1933 (1) sur la continuation du contrôle financier d'Haïti par les États-Unis à un moment où le Parlement n'était pas en session. Cet accord signé par Albert Blanchet, Secrétaire d'État des Relations Extérieures d'Haïti, et Norman Armour, Ministre Plénipotentiaire des États-Unis d'Amérique accrédité en Haïti, est d'autant plus contraire aux intérêts haïtiens qu'il avait été rejetéà l'unanimité le 3 septembre 1932 par les deux chambres du Parlement haïtien. « Le président Vincent a violé l'article 42 de la Constitution de 1932, qui prévoit que tous les Traités, Conventions et Accords doivent être ratifiés par le Parlement (2). » Comme le dénonce le député Lorrain Dehoux, l'occupation américaine combat l'action civique et « oblige les citoyens à tout accepter dans un silence de tombeau » (3) sous le règne de la loi martiale et de la censure.

Les rodéos financiers depuis l'Accord Exécutif du 7 Août 1933

Dans cet Accord Exécutif du 7 Août 1933, le Président haïtien accepte que ses décisions peuvent être remises en question par l'Agent fiscal américain accrédité en Haïti et que ce dernier est habilitéà nommer des fonctionnaires américains et haïtiens dans l'administration haïtienne. La servitude présidentielle haïtienne est assumée avec la plus grande insouciance. Le fait par le président Vincent d'accepter que le Conseiller Financier américain puisse annuler les Commissions signées du président d'Haïti est révélateur de l'état d'esprit qui prédomine tout l'Accord du 7 août 1933. En outre, le Conseiller Financier américain exerce un contrôle systématique sur la Garde d'Haïti, sur les douanes haïtiennes et sur le Service des taxes internes jusqu'en 1941.

Au fait la supervision financière est restée jusqu'en 1952 quand tous les titres de la dette américaine ont été intégralement payés (4). L'Accord Exécutif du 7 Août 1933 sera suivi de celui de 1941 qui incorpore à la dette publique les engagements contractés envers la J. G. White en 1938, puis envers la SHADA en 1941. En contractant de telles obligations, qui dépassaient la durée de son mandat de huit ans, le président Vincent a violé la Constitution et commis un crime contre la Nation. Cette politique aberrante constitue « un véritable vasselage d'un gouvernement faible », comme l'a signalé le député Lorrain Dehoux qui présente les points de vue opposés et contraires à ceux de l'Accord du 7 août 1933.

Le président Vincent a même une attitude renversante devant les forces d'occupation qui proposaient de commencer à retirer leurs forces d'infanterie en octobre 1933. Ayant pris peur devant l'attitude résolue des parlementaires qui ont rejetéà l'unanimité le Traité du 3 septembre 1932 présenté par les Américains, le président Vincent demanda aux forces d'occupation américaine de rester en Haïti. « Le Département d'État avait proposé d'abord le Retrait de l'Infanterie de Marine en Octobre 1933, mais le président Vincent a insisté pour qu'ils soient maintenus plus longtemps, PROBABLEMENT en raison du conflit actuel entre le Président et le parlement haïtien (5). » Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que la folie de l'autorité conduit un gouvernement comme celui de Michel Martelly à déclarer « qu'il ne craint pas de coup d'Etat vu la présence de la MINUSTAH (6). » Comme le président Vincent, le président Martelly décide de s'appuyer sur les forces d'occupation dans l'espoir d'assurer sa pérennité au pouvoir. Ce genre d'emboîtage remonte bien aux temps de l'occupation américaine et de la création d'une classe de volontaires de la servilité nihiliste (VSN), longtemps avant que le tyran François Duvalier utilise le même sigle pour en faire les Volontaires de la Sécurité Nationale, encore appelés tontons macoutes, des tortionnaires vivant du crime organisé et de l'extorsion.

Pour s'accrocher au pouvoir et défendre leurs positions du bec et des ongles, les volontaires de la servilité nihiliste (VSN) se comportent en « de vrais sauvages » (7) comme le souligne l'écrivain Gary Victor le 19 décembre 2014. Et pas seulement au volant de leur voiture où ils s'impatientent et sont toujours en retard, alors que souligne l'écrivain « yo pa gen anyen yap regle » (ils n'ont aucune urgence). La servilité nihiliste se manifeste au Parlement où les moindres votes sont l'objet de tous les marchandages. Georges Séjourné ira plus loin et écrira : « Si les Chambres ne rejettent pas l'Accord du 7 août 1933, pour bien marquer la volonté du peuple d'Haïti d'avoir son Indépendance Politique et Économique, il peut être objecté avec raison à tous nos défenseurs que nous avons nous-mêmes prié les Etats-Unis de nous maintenir dans l'esclavage (8). »

Le sénateur Pierre Hudicourt envoie une lettre à Norman Armour, ambassadeur américain en Haïti, protestant contre le rodéo financier de l'Accord du 7 août 1933 et déclarant que cet Accord doit être soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale pour avoir force de loi. Cette protestation est appuyée par les autres sénateurs nationalistes, dont Seymour Pradel, Dr. Jean Price-Mars, Léon Nau, David Jeannot, Antoine Télémaque, Dr. Justin Latortue, Fouchard Martineau, Dr. Hector Paultre, et Rameau Loubeau. Ces sénateurs envoient des télégrammes de protestation au Secrétaire d'État américain Cordell Hull, au Président de la VIIe Conférence Pan-Américaine à Montevideo en Uruguay et au président du Sénat uruguayen. Le sénateur Hudicourt présente au Sénat le 12 décembre 1933 une résolution qui est votée par acclamation.

La délégation haïtienne à la Conférence de Montevideo sur les droits et les devoirs des États de décembre 1933 a défendu les positions de souveraineté d'Haïti. L'intervention d'Antoine Pierre-Paul a retenu l'attention des participants. Le journal italien « Italia del Popolo » de Buenos-Aires en a fait la reproduction intégrale. Antoine Pierre-Paul critique l'emprunt de 1922 et l'imposition du président Borno par les Américains. Il déclare : « Un emprunt que nous avions repoussé nous a été imposé par les baïonnettes américaines, celles qui, pour faire accepter cet emprunt, ont portéà la présidence de la République, contrairement à ce qu'établit la Constitution, un fils d'étranger, qui a engagé notre malheureux pays par un contrat financier qui a détruit notre souveraineté en matière économique et financière (9). »

Sténio Vincent organise un referendum le 10 février 1935. Tout comme l'occupation américaine utilisa le referendum pour faire accepter la Constitution de 1918 écrite par Roosevelt, en violation des lois haïtiennes, le président Vincent utilise pour la deuxième fois cette technique afin de donner à son banditisme des bases légales. Trahison préméditée de longue date ? Le referendum est plus adapté au fonctionnement d'une dictature qu'un parlement composé de fortes têtes qui ne peuvent être achetées par la corruption. Il est plus facile de dévoyer le vote populaire comme Vincent l'avait lui-même écrit déjà en 1912 dans Haïti Littéraire et Sociale que de pervertir l'institution parlementaire. Vincent écrit à propos du suffrage universel : « On sait bien que nous sommes parfaitement inconscients et que l'amélioration des choses et le bonheur de la nation ne peuvent pas dépendre de nous. Nous sommes le troupeau et il veut nous transformer en berger. C'est une opération impossible. Nous sommes ce que nous sommes. Des utopistes nous appellent à l'urne. Nous y allons pour satisfaire leurs illusions. Pas plus (10). »

Avec ces intrigues en tête, dans les coulisses ténébreuses et les cabinets occultes, le président Vincent pose une question aux électeurs à laquelle ils doivent répondre par OUI on NON : « Voulez-vous que soient adoptées par vos représentants les mesures préconisées par le Président de la République dans le discours du Cap-Haïtien du 27 Novembre 1934, en vue notamment de libérer le pays de tout contrôle financier étranger et d'assurer avec sa complète indépendance l'amélioration de sa situation économique ? » Une question qui n'éclaire en rien puisqu'elle ne livre rien. Le voleur crie au voleur ! Théâtre d'ombres insaisissables. On n'avait pas encore le vote électronique trafiqué. À la question posée, les résultats donnent 454 357 OUI contre 1 172 NON. Le président Vincent ne perd pas de temps et révoque, le 18 février 1935, les onze sénateurs nationalistes indépendants : Seymour Pradel, Dr. Jean Price-Mars, Léon Nau, David Jeannot, Pierre Hudicourt, Antoine Télémaque, Dr. Justin Latortue, Fouchard Martineau, Dr. Hector Paultre, Valencourt Pasquet et Rameau Loubeau qui protestaient contre un décret dans lequel le président s'octroyait les pleins pouvoirs.

Contre la politique du « lave men siye atè»

Etienne de la Boétie n'avait pas encore 18 ans, selon Montaigne, quand il écrivit le Discours de la servitude volontaire publié après sa mort dans une Europe dominée par la théologie médiévale. La zombification collective que nous vivons en Haïti indique que la sottise nous réserve encore des surprises. La politique du laloz et de l'ambigüitéà l'œuvre dans la classe politique détruit les consciences de notre jeunesse qui cherche des modèles et des exemples pour avancer dans la voie de la rédemption. À un moment où certains persistent à se nourrir d'illusions en pensant pouvoir négocier avec les bandits légaux, le mot de la Boétie qui veut que le pouvoir s'évanouisse de lui-même sans l'acceptation du peuple trouve une grande résonance dans les manifestations de la multitude qui demandent le départ de Martelly.

En octobre 2012, j'écrivais que « les manifestations sont la preuve par quatre que le peuple a retiré sa confiance au gouvernement » (11). Mais plus que cela, par devant l'humanité, c'est l'âme haïtienne qui s'exprime avec force dans les manifestations tenues par la multitude pour affirmer la dignité du peuple haïtien. Dans toute sa dimension, malgré les misères qui l'accablent dans la recherche du pain quotidien. La conscience haïtienne refuse d'être prisonnière du système qu'elle prétend combattre. En effet, le lave men siye atè conduit même des esprits qui se veulent lucides à se croiser les bras et à supporter tacitement l'horreur. Les volontaires de la servitude nihiliste existent aussi parmi ceux qui luttent contre les Tèt Kale. D'où aussi les déceptions venant justement d'un patrimoine qui fabrique des répliques et cultive en bocaux des compères de rechange. La prise de conscience de la nécessité de casser le moule de l'arbitraire en Haïti est capitale si on veut mettre fin à la reproduction de la racaille.

Le combat mené par les manifestations de la multitude dans les rues de nos villes depuis quelque temps n'est pas uniquement contre les Tèt Kale de Michel Martelly, mais aussi contre cet ennemi intérieur tapi dans notre inconscient de peuple. Un ennemi intérieur qui fait qu'on s'arrête toujours à mi-chemin sur la voie de la libération. Sous l'occupation américaine en 1931, c'est l'élite qui ne voulait pas élargir l'instruction aux classes moyennes afin de protéger ses privilèges politiques et économiques. Avec 100 000 élèves dans les écoles sur une population scolarisable de 450 000, le savoir demeurait la chasse-gardée d'une minorité. Les dirigeants issus des classes moyennes depuis 1946 ont reproduit à merveille le système d'exclusion des masses populaires. C'est l'évanouissement des grandes espérances.

En analysant l'ennemi intérieur qui nous rend complices de nos malheurs, Étienne de la Boétie écrit : « Que pourrait-il vous faire si vous n'étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traitres à vous-mêmes (12). » Nous avons appris àêtre les bourreaux de nous-mêmes, à laisser des saltimbanques décider de notre avenir et de celui de nos enfants. Il y a un siècle, le 27 juillet 1915, la soldatesque massacre des innocents dans la prison de Port-au-Prince aux murs tapissés de sang, comme nous le décrit Léon Laleau dans Le Choc. L'indignation est à son comble et le peuple révulsé gagne les rues les mains nues contre les bandits au pouvoir. « Notre dégoût est tellement usé que rien ne l'effraie » (13) La loi du talion est appliquée.

En 1935, le firministe Castera Delienne disait avec raison que « la politique haïtienne est une perpétuelle déviation à la règle » (14). La tâche qui incombe à tous ceux et celles qui veulent un changement réel est de mettre fin à cette politique haïtienne qui permet aux volontaires de la servilité nihiliste de s'accaparer de la chose publique. La mainmise des voyous connaît une longévité sans pareil dans les annales historiques. Qui a pour secret cette dévotion inaltérable au président de la République. Bien que généralement acceptée dans le corps social, cette mentalité a été vigoureusement dénoncée par François Dalencour qui écrit : « De 1930 à 1940, il y a eu plus de scandales démoralisants, dévoilés ou cachés, que pendant plus d'un siècle d'histoire… Jamais le pays n'a connu une pareille abjection (15). »

Il y a cinquante ans, c'était le massacre de Jérémie raconté par Albert Chassagne dans Bain de sang en Haïti. Dans l'enfer carcéral, les tortionnaires Sony Borges et Gérard Brunache tuent aussi bien des octogénaires comme Mme Chénier Villedrouin (85 ans) que des enfants comme Régine Sansaricq (2 ans). Au gamin Stéphane Sansaricq (4 ans) qui sanglote, « le mouchoir offert est une cigarette allumée, éteinte par Sony Borges dans les prunelles de l'enfant. Puis Gérard Brunache, soulevant le bébé par le bras, lui enfonce un stylet dans le ventre. Un cri violent, puis un soupir, puis plus rien. Stéphane a passé. Et la brute Sony Borges de s'exclamer : " Pitit la tòdye tan kou yon vè" (l'enfant s'est tordu comme un ver) » (16). Aujourd'hui ce sont les prisons du Goulag des Tèt Kale décrits par Rony Thimoté, Biron Odigé et Enold Florestal.

L'énumération des pratiques arbitraires du gouvernement de Michel Martelly n'est plus à faire. L'accord tripartite du 29 décembre 2014 accélère encore la dégradation. Les événements se bousculent. Rien ne peut rendre supportable la dissolution des valeurs que représente le gouvernement de Martelly dont le peuple réclame la démission. Il faudra du temps à Haïti pour effacer le vide, le ridicule et la honte que ce gouvernement Tèt Kale a jetés sur le peuple. Mais au moins, les manifestations de la multitude présentées sur toutes les télévisions ont le mérite de dire en clair au monde que la conscience du peuple haïtien n'est pas morte. Elles représentent un refus signifié de la décomposition, de la zombification et de la pourriture. D'où la nécessité d'encourager la dynamique qu'elles instaurent pour rendre à Haïti la véritable épaisseur que voulaient lui donner les combattants de la liberté qui ont fait 1804. La réactivation permanente de la conjuration contre Martelly commencée en juillet 2012 indique que le temps de l'impuissance est terminé. C'est la fin de l'emprise du pouvoir absolu et de l'impunité qui nous terrassent et qui ont trop duré. La bande à Martelly se doit de dire adieu au pouvoir en demandant pardon au peuple haïtien.

(1) Executive Agreement no. 46, Haitianization of the Garde, withdrawal of military forces from Haiti and Financial arrangement, Agreement between the United States of America and Haiti, Washington, D.C., August 7, 1933.

(2) Leslie Péan, « L'occupation américaine d'Haïti et le vrai visage de Sténio Vincent (3 de 5) », Alterpresse, 20 juillet 2013

(3) Lorrain Dehoux, L'accord américano-haïtien du 7 Août 1933 et le pouvoir législatif d'Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie Haïtienne, 1933, p. 7.

(4) Hans Schmidt, The United States Occupation of Haiti, 1915-1934, op. cit. p. 226

(5) Lorrain Dehoux, L'accord américano-haïtien du 7 Août 1933 et le pouvoir législatif d'Haïti, p. 13.

(6) « Les deux chefs de l'Exécutif boudent le 209ème anniversaire de la Bataille de Vertières : Sa k pa kontan, anbake ! », Radio Kiskeya, 19 novembre 2012

(7) Gary Victor, « Les sauvages ! », Le Nouvelliste, 19 décembre 2014.

(8)Georges Séjourné, La Constitution d'Haïti en face de la convocation à l'extraordinaire des chambres législatives et de l'Accord Américano-Haïtien du 7 Août 1933, Port-au-Prince, Imprimerie nouvelle, 19 novembre 1933, p. 11.

(9) « La délégation haïtienne à Montevideo », Le Nouvelliste, 5 janvier 1934, p. 6.

(10) Sténio Vincent, Haïti Littéraire et Sociale, Janvier 1912, dans En posant les jalons, Tome 1, Port-au-Prince, Imprimerie de l'État, 1939, p. 117.

(11) Leslie Péan, « Une période d'ébullition indissociable d'une réflexion profonde », Alterpresse, 1er octobre 2012.

(12) Etienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire, op. cit., p. 139.

(13) Léon Laleau, Le choc, Port-au-Prince, Imprimerie La Presse, 1932, p. 63.

(14) Castera Delienne, Souvenirs d'épopée, Port-au-Prince, Imprimerie de l'État, 1935, p. 4.

(15) Cité dans Milo Rigaud, Contre Vincent, Port-au-Prince, Société d'Éditions et de Librairie, 1941, p. 41.

(16) Albert Chassagne, Bain de sang : Les macoutes opèrent à Jérémie, 1977, p. 24.


Constitution du nouveau Conseil Electoral Provisoire

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Le Bureau de Communication de la Présidence informe la population en général que l'Exécutif a procédé, à la date de ce jour, à la formation du Conseil Electoral Provisoire chargé d'organiser les élections, au cours de cette année, pour les postes vacants et ceux qui peuvent le devenir.

Ces membres sont les suivants :

1.- Ricardo AUGUSTIN : Conférence Episcopale ;
2.-Vijonet DEMERO : Cultes Réformés
3.-Yolette MENGUAL : Secteur Femme ;
4.- Jaccéus JOSEPH : Secteur droits humains ;
5.- Lucie Marie Carmelle Paul AUSTIN : Secteur Université ;
6.- Pierre MANIGAT Jr : Secteur Presse ;
7.- Lourdes Edith JOSEPH : Secteur Syndical ;
8.- Néhémie JOSEPH : Secteur Paysan/Vaudou
9.- Pierre-Louis OPONT : Secteur Patronal

[Bureau de communication de la Présidence]

La course de lenteur dans l'affaire Evinx Daniel (1 de 2) par Leslie Péan, 18 janvier 2015

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Les négociations entreprises ces derniers temps pour sauver in extremis le gouvernement Martelly ont relégué aux oubliettes l'affaire Evinx Daniel — ami personnel du président Martelly — disparu depuis le 5 janvier 2014. En même temps, nous entrons dans l'année du centenaire du débarquement des Marines, ce qu'on ne saurait non plus occulter. C'est un fait indéniable que les manifestations actuelles de la multitude constituent un élément non négligeable dans la redéfinition du devenir d'Haïti, de nouveau sous occupation étrangère. Mais la disparition d'Evinx Daniel doit servir de mise en garde à tous ceux et celles qui croient pouvoir arriver à une forme de stabilité dans le désordre instauré par la bande à Martelly.

La paralysie du dossier Evinx Daniel justifie toutes les inquiétudes, surtout à un moment où les élections constituent le point de passage obligé vers une nouvelle gouvernance. Cela dit, l'absence de justice qui se donne à voir dans le cas Evinx Daniel est la manifestation évidente d'une stratégie délibérée d'obstruction de la vérité de la part des détenteurs, passés ou actuels, du pouvoir. En effet, le gouvernement de René Préval n'est plus. Mais celui de Martelly lui survit. Avec cette négation de toutes les valeurs qui prévaut dans les violations de la loi, en commençant par la loi-mère, la Constitution. Avec tous les vestiges du duvaliérisme qui ont convaincu les détenteurs du pouvoir qu'ils sont au-dessus des lois. Et en prime, ce coriace morceau constitué par les «élections à saveur de cocaïne » (1). Un morceau que le peuple haïtien avale tout rond.

À l'intention de ceux et de celles qui l'auraient oublié, refaisons l'historique de l'affaire Evinx Daniel. Le lot de péripéties d'Evinx Daniel commence le 10 septembre 2013. Lors d'une fouille à plein régime au Dan's Creek Hôtel, propriété d'Evinx Daniel, M. Émile Joseph, juge de paix suppléant de Port-Salut, découvre « vingt-trois (23) paquets de substance assimilable à de la Marijuana (2). » Deux jours plus tard, Evinx Daniel est arrêté pour trafic de drogues par le commissaire du gouvernement Jean-Marie Salomon (3). Homme d'affaires connu du département du Sud, Evinx Daniel a la réputation sulfureuse d'être un trafiquant de drogue. De sa cellule de prison, Evinx Daniel qui garde l'utilisation de son téléphone cellulaire donne des entrevues à la radio et contacte ses amis. Il explique que les mauvaises langues veulent simplement ajouter cette affaire de drogue au registre de ses misères.

Toujours selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Evinx Daniel « se présente comme étant une victime du système puisqu'il avait récupéré sur mer une cargaison flottante de drogue dans le seul but de protéger les jeunes contre le trafic de drogues. Le même jour de l'arrestation de Evinx DANIEL, soit le 12 septembre 2013, le dossier est transféré au Cabinet du Juge d'Instruction Joseph Josias JEAN PIERRE (4). » Cette explication donnée par Evinx Daniel contraste avec la perception de la population des Cayes à son sujet. Sa participation au secteur privé ne l'empêche pas d'être vu comme un satellite au centre de l'économie de la criminalité. Cela fait penser au discours de l'ambassadeur américain Brian Dean Curran le 9 juillet 2003 devant la Chambre de Commerce Haïtiano-Américaine (HAMCHAM) dans lequel il disait au secteur privé haïtien, « Vous faites des affaires avec les trafiquants. Vous acceptez leur argent dans vos banques. Vous les élisez même dans vos chambres de commerce » (5).
Au fait, la démarche consistant à faire de l'argent une valeur intrinsèque est à la source du mal qui encourage le développement de réseaux de relations interlopes malgré les dangers inhérents aux activités mafieuses. Le comportement consistant à rechercher l'argent facile dans le trafic de drogue est en rapport étroit avec la promotion de la facilité et de la débauche au cours des trente dernières années. On se souvient à ce sujet de l'arrestation de Frantz Bennett, beau-frère du président Jean-Claude Duvalier à Puerto Rico en 1982. La dégradation des valeurs a fait de l'argent la seule valeur qui compte. L'acquisition de l'argent-roi par tous les moyens relève d'une conception morbide que notre société a développée vis-à-vis de la richesse au cours des quelques 40 dernières années. Le délabrement économique et l'absence de revenus ont ouvert la porte au crime organisé et à l'industrie des enlèvements (kidnapping) comme le cas du Gang Galil dirigé par Clifford Brandt Junior achève de nous rappeler. En l'espace de moins deux ans, le Gang Galil a été responsable de 17 cas de kidnapping et a collecté des rançons d'une valeur supérieure à un million huit cent quatre vingt neuf mille cinq cents (1,889,500.00) dollars américains (6).

Une pilule un peu dure à avaler

De sa cellule de prison, Evinx Daniel a frappéà la bonne porte car le lendemain 13 septembre 2013, il est libéré suite à l'intervention catégorique de M. Jean Renel Sanon, Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique. L'affaire ne fait que commencer car, le 20 septembre 2013, soit une semaine après l'élargissement d'Evinx Daniel, le commissaire du Gouvernement, Jean-Marie Salomon est révoqué de son poste aux Cayes et remplacé par Joseph Joubert Amazan. Malheureux hasard ? Non, la capitale méridionale des Cayes suinte la tension entre les partisans du Parquet et ceux de la police. Selon l'ex-sénateur Gabriel Fortuné, «À n'importe quel moment, il peut y avoir une situation difficile aux Cayes » (7). Le gouvernement réagit vite pour assurer que la porte d'entrée de la cocaïne en provenance de la Colombie et du Venezuela soit sécurisée. Le Palais national joue son rôle d'interface à travers le président de la République qui étale sa complicité pour assurer que la cocaïne soit acheminée à Port-de-Paix en transit vers les Etats-Unis.

Au fait, dans cette affaire de drogue récupérée en haute mer, Gabriel Fortuné, en se basant sur les déclarations du porte-parole de la police a fait des révélations qui auraient dû provoquer l'hostilité de Washington à Martelly si la lutte contre la corruption était sérieuse. À moins que des ficelles soient tirées en coulisse pour liquider les bandits légaux, le mauvais exemple des Tèt Kale de Martelly devrait être une pilule un peu dure à avaler par les autorités américaines. Dans la course à la collusion entre l'État et les narcos, Haïti semble vouloir dépasser le Mexique où le gouvernement a pris carrément position pour le cartel de Sinaloa dirigé par Joaquín Loera Guzmán, alias El Chapo, contre les autres cartels concurrents (8).

En effet, dans le cas d'Evinx Daniel, le porte-parole de la police a déclaré qu'il ne s'agissait pas uniquement de marijuana et que la Brigade de lutte contre les stupéfiants (BLTS) a récupéré 55.7 kilos de cocaïne à cette occasion. Alors, sur un ton cassant, inflexible, loin de tout doute, l'ex-sénateur Gabriel Fortuné, a déclaréà la radio : « Evinx Daniel est le représentant du président Michel Martelly dans la réception et la distribution de la drogue dans le Sud » (9). Les déclarations de Gabriel Fortuné sont des plus crédibles et prennent un relief particulier quand il ajoute que des véhicules à vitre teintée, en provenance du Palais national, viennent récupérer la drogue aux Cayes chez Evinx Daniel. Conclusion logique : les narcos font la pluie et le beau temps dans une situation qui ne cesse de s'aggraver. Leur parcours est sans faute du fait même qu'ils ont pu hisser au sommet de l'État leur complice. On est bien loin de l'époque où Michel Martelly confessait publiquement qu'il était un grand consommateur de cocaïne, mais pas un vendeur.

Ce qui surprend les agents américains de l'agence antidrogue américaine (DEA) dans cette affaire, c'est le peu de surprise qu'elle a provoqué aussi bien en Haïti qu'à Washington. Selon certains l'absence quasi totale de réprobation en Haïti serait dûà la zombification du peuple haïtien qui est prêt à accepter n'importe quoi. Comment ? Il est clair que le président Martelly est coupable, ne serait-ce que par pure coïncidence ou innocence, de se retrouver en haute mer dans le yacht de Daniel Evinx qui récupérait de la cocaïne. Dans son édition du 25 septembre au 2 octobre 2013, Haïti-Observateur a rapporté les faits (10) avec forces détails et d'autres personnes qui ne sont pas du tout acharnées contre Martelly ont témoigné en ce sens. Fait encore plus grave, le président Martelly, malgré l'hypothèse défavorable d'un acte criminel pesant sur son ami, a couvert ce dernier de sa protection en allant dormir chez lui et en donnant la plus grande publicitéà cette visite.

À l'occasion de la dérive du président Martelly dans l'affaire Evinx Daniel, le comportement de Washington inquiète et suscite beaucoup d'interrogations. Le président Martelly devait-il absolument aller se détendre en haute mer sur le yacht de Daniel Evinx à un moment où ce dernier réceptionnait un largage de cocaïne. Mystérieux ? Malgré la succession de faits troublants, la DEA feint de réfléchir à la complexité de la présence du président Martelly dans cette affaire. Elle agit comme si elle en connaît la teneur de toute éternité. Comme si Martelly travaille pour une autre agence qui aurait la priorité. Ce qui, par esprit de continuité, commande de le laisser partir à la sauvette. Dans cet entendement, le fléchissement de la DEA s'explique, car Martelly serait un « asset », une ressource, pour remonter la filière des cartels vénézuéliens et colombiens dans la Caraïbe et connaître tous les prête-noms utilisés par les bandits. Le coup d'État de la cocaïne en Bolivie de 1980 se reproduit dans l'Haïti de 2010.

Ceci explique cela et permet de mieux comprendre les déclarations des autorités américaines devant les outrages de Martelly à la conscience universelle. Leur consensus pour soutenir Martelly dans toutes ses dérives n'est donc pas de la lâcheté de leur part, mais plutôt le résultat d'un calcul cynique d'une puissance qui défend les intérêts de sa sécurité nationale. N'a-t-elle pas déjà bavé avec le président Leslie Manigat défendant le parrain Jean-Claude Paul ? N'a-t-elle pas encaisséà la même époque le mauvais coup de la corruption du Service d'Intelligence Nationale (SIN) par les cartels colombiens de Medellin et de Cali ? Cette institution haïtienne financée par des millions de dollars de la CIA et dirigée par le colonel Léonce Qualo a été détournée de sa mission par les narcos colombiens qui ont payé plus cher que l'administration américaine. Ainsi le SIN a été emporté dans une spirale d'opérations qui l'a dépassé. (à suivre)

(1) Leslie Péan, « Des élections à saveur de cocaïne » (texte en trois parties), Alterpresse, 27, 29, 31 janvier 2014.

(2) Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Bilan des réalisations de l'Appareil Judiciaire au cours de l'année judiciaire 2012 – 2013, Port-au-Prince, 4 octobre 2013, p. 7.

(3) « Haïti-Justice : Le chef de l'Etat s'érige en protecteur des narcotrafiquants, selon le Rnddh », Alterpresse, 20 septembre 2013.

(4) Ibid, p. 7-8.

(5) « L'Ambassadeur US dit leurs quatre vérités aux Haïtiens », Haïti en Marche, Port-au-Prince 12 Juillet 2003.

(6) RNDDH, Affaire Woodly Ethéard : Le RNDDH dénonce les rapports de proximité du pouvoir avec les réseaux maffieux », 18 Mars 2014.

(7) Écouter l'intervention de Gabriel Fortunéà l'émission Ranmase de Radio Caraïbe du samedi 14 Septembre 2013. Lire aussi « Affaire Daniel Evinx : Personne n'est au courant de rien », Le Nouvelliste, 20 septembre 2013.
Lire aussi « Haïti dirigé par des narcotrafiquants, selon Gabriel Fortuné», Radio Kiskeya, 21 septembre 2013.

(8) Anabel Hernández, Los señores del narco, Mexico, Grijalbo Mondadori, 2010.

(9) http://prpetion.podbean.com/e/si-nou-vle-konnen-si-evinx-daniel-mouri-ou-si-li-vivan-koute-audio-sa/

(10) « Le scandale de la drogue de Daniel Evinx – Michel Martelly comme partie prenante », Haïti-Observateur, 25 septembre-2 octobre 2013.

La course de lenteur dans l'affaire Evinx Daniel (2 de 2), par Leslie Péan, 18 janvier 2015

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La victoire des cartels colombiens dans le dossier de la drogue en Haïti à partir des années 1980 n'excuse pas le choix par les Américains en 2011, d'un délinquant autoproclamé, pour diriger le pays. Ainsi porté sur les fonts baptismaux, Michel Martelly n'a pas hésitéà se proclamer bandit légal, assuré que ses arrières sont protégés (li gen bwa dèyè bannann li). Ce qui le conduit tout droit à ses provocations gratuites et à la démagogie. Quelle que soit l'hypothèse retenue, un tel calcul de Washington ne risque-t-il pas de diminuer l'enthousiasme des petits agents de la Drug Enforcement Agency (DEA) luttant au péril de leurs vies pour diminuer sinon arrêter le trafic des stupéfiants aux Etats-Unis ? Heureusement qu'en Haïti, les manifestations de masse refusent d'accepter la machine à broyer de Martelly et de ses acolytes. Les cris des progressistes disent non au grotesque de la soulouquerie rose. La clameur populaire se fait entendre au monde entier. Il importe de se battre sans réserve et avec ténacité contre les trafiquants de drogue, qu'ils aient ou non des liens privilégiés avec Washington.

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a noté l'aisance déconcertante avec laquelle la justice haïtienne a libéré Evinx Daniel en moins de 48 heures. D'après cet organisme, les douze étapes franchies avec célérité sont : « 1) l'arrestation d'un présumé narcotrafiquant ; 2) l'enregistrement du dossier au greffe du Parquet près le Tribunal de Première Instance des Cayes ; 3) la préparation du réquisitoire d'informer par ledit Parquet ; 4) le transfert du dossier au Décanat près le Tribunal de Première Instance des Cayes ; 5) la désignation d'un Juge d'Instruction ; 6) l'enregistrement du dossier par le greffier du Juge d'Instruction dans le répertoire de ce dernier ; 7) l'ordre d'extraction du Juge d'Instruction ; 8) l'interrogatoire de l'inculpé ; 9) la communication du dossier au Parquet aux fins de réquisitoire ; 10) l'ordonnance de main levée ; 11) l'exécution de l'ordonnance ; 12) la mise en liberté de l'inculpé» (I). Un exploit à savourer qui contraste avec la course de lenteur pour faire la lumière sur la disparition d'Evinx Daniel depuis une année.

Le carburant de la machine infernale

Après sa libération, Evinx Daniel a eu droit à des félicitations de Gary Desrosiers, Inspecteur de police et porte-parole adjoint de la Police Nationale d'Haïti (PNH), qui a organisé une conférence de presse dans le but de le remercier de son soutien à la police pour avoir récupéré de la drogue en mer. Pour donner le change aux critiques qui disent que le pouvoir s'est engagéà la légère dans ce dossier, « le 17 septembre 2013, le Gouvernement MARTELLY / LAMOTHE annonce la création d'une commission indépendante devant enquêter sur la libération de Evinx DANIEL. Cette commission est composée de trois (3) institutions savoir, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) et la Police Nationale d'Haïti (PNH) (II). » Mais, ce n'est pas tout. Le gouvernement en rajoute dans le triomphe en surexposant Evinx Daniel. Le président Martelly lui vole la vedette en s'invitant chez lui le 26 septembre 2013. Le cœur sur la main, le président Martelly goûte la douceur de vivre au Dan's Creek Hôtel et y passe la nuit. Il ne rate pas une occasion pour séjourner chez son grand ami et s'aventurer en haute mer sur le yacht de ce dernier. Une de ses dernières visites remonte à la nuit du 3 au 4 août 2013.

Bien que n'étant pas inhabituelle, la visite du président Martelly chez Evinx Daniel et sa décision de passer la nuit au Dan's Creek Hôtel suscitent des rumeurs qui se sont vite répandues. Les supputations vont bon train sur cet invité de marque devenu par la force des choses invité de choix. Les commentaires abondent sur l'absurdité d'un système politique dirigé par des caïds de la pègre impliqués dans les trafics de cocaïne et autres drogues. La toile de fond de la politique est désormais la pourriture. L'illusion est de penser pouvoir trouver une cohérence politique avec des dealers condamnés à la toxicomanie. Les criminels sont manipulateurs au point de se servir de militants politiques chevronnés comme carburant pour leur machine infernale. C'est monstrueux mais cela passe car la médiocrité régnante s'accommode des dérobades et du silence.

L'opposition accepte de ne pas exiger que le pouvoir rende des comptes après la disparition d'Evinx Daniel. Ce dossier est pourtant lourd et empoisonne dangereusement l'atmosphère. Selon Signal FM, « Le commissaire de police des Gonaïves, le commissaire du gouvernement de ce ressort, le ministre de la Justice, la communauté internationale savent où se trouvent Evinx Daniel. C'est ce qu'a déclaré Cathia Daniel, la femme de l'homme d'affaires, le 20 mars, lors d'une manifestation à Port-Salut, rapporte le Nouvelliste. Mme. Daniel et les manifestants ne pleurent pas la mort du propriétaire de Dan's Creek Hôtel. Mais, ils réclament sa libération. Leur demande s'adresse au président de la République, au Chef du gouvernement et au ministre de la Justice. Evinx Daniel est un proche du pouvoir. Il est membre du Parti haïtien TET KALE (PHTK). Or, Mme Daniel et des manifestants exigent des autorités de l'Etat la libération de l'homme d'affaires. »

La partie visible de l'iceberg

Un an plus tard, on ne saurait accepter de laisser faire ainsi. La classe politique ne peut pas se permettre de faciliter ce genre de magouilles avec des individus. Il faut que le mobile et les circonstances de la disparition d'Evinx Daniel soient élucidés. Présumé criminel, Daniel Evinx a des droits qui doivent être respectés. Il doit au moins bénéficier de la présomption d'innocence. Les principaux protagonistes de cette affaire doivent être traduits devant la justice. Des citoyens ne peuvent pas disparaitre sans laisser de traces. La population a déjà organisé des manifestations à Port-Salut le 19 mars 2014 pour demander de retrouver Evinx Daniel. Conformément au reportage du journal Le Nouvelliste, « le 5 janvier 2014, Evinx Daniel avait quitté chez lui. Selon les premiers éléments d'information, l'homme d'affaires avait abandonné son véhicule aux Gonaïves pour se rendre à moto à Mare-Rouge, non loin de Port-de-Paix. Deux suspects avaient été interpellés. Le 18 janvier le pickup Toyota Hilux verte immatriculé JJ 02714 dans lequel se trouvait Evinx Daniel a été retrouvéà Pont-Gaudin. À l'intérieur de ce véhicule, un juge de paix a retrouvé deux bombonnes de gaz lacrymogène, une somme de 2 000 dollars américains, une police d'assurance au nom de Cathia Simon (III). »

Les bribes d'information qui circulent sur la disparition d'Evinx Daniel, suite à sa rencontre avec le parrain-président ne sont que la partie visible de l'iceberg. Tout laisse croire que les neuf dixièmes demeurent immergés. On comprend que les manifestants des Cayes arboraient des pancartes et chantaient des slogans : « Mately, pèp sid la di w bay Daniel » (IV) (Martelly, le peuple du Sud vous demande de leur rendre Daniel). Les ressorts d'un embrouillamini crapuleux annoncent une tempête dans les cercles mafieux de la présidence.

Il est inacceptable que malgré les supplications de Cathia Daniel, l'épouse d'Evinx, l'enquête s'enlise dan la stratégie haïtienne de l'impunité exprimée dans la formule « l'enquête se poursuit ». L'énigme de la disparition d'Evinx Daniel doit être éclaircie. Les citoyens ne peuvent pas vivre dans la peur et encore moins dans la panique. Selon le juge de paix Marc Arthur Bien-Aimé des Gonaïves, Evinx Daniel est un dealer de drogue suspect dont la voiture immatriculée JJ 01740 a été conduite par les chauffeurs de taxis Idelson et Joseph Dieulouis à Mare-Rouge.

Les plus hautes autorités de l'État sont compromises. Il est de l'intérêt du pays que toute la lumière soit faite dans cette affaire haute en couleurs. Haïti ne peut plus revenir au temps des tontons macoutes des Duvalier où les citoyens disparaissaient sans laisser de traces. La police criminelle doit dire où est passé Evinx Daniel. Le cas doit être tiré au clair. Ici comme partout ailleurs, rien ne peut excuser une atteinte aux libertés fondamentales, en particulier au droit de chaque citoyen à la vie.

(I) RNDDH, Trafic illicite de drogues : Le Gouvernement Martelly / Lamothe met tout en œuvre pour protéger les narcotrafiquants proches du Pouvoir, Port-au-Prince, 19 septembre 2013, p. 4-5.

(II) Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Bilan des réalisations de l'Appareil , op. cit., p. 8.

(III) Roberson Alphonse et Ernso Valentin, « Evinx Daniel "est là", affirme sa femme », Le Nouvelliste, 20 mars 2014.

(IV) Ibid.

Le « Core Group » salue l'installation du nouveau Premier Ministre, la formation du Gouvernement et la constitution du CEP

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Port-au-Prince, 24 janvier 2015 - La Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies et les autres membres de la communauté internationale en Haïti représentés dans le « Core Group » (les ambassadeurs du Brésil, du Canada, d'Espagne, de France, des États-Unis d'Amérique, de l'Union européenne, et le Représentant spécial de l'Organisation des États américains) saluent l'installation du Premier Ministre Evans Paul, la formation du Gouvernement, ainsi que la constitution du Conseil électoral provisoire (CEP).

Le « Core Group » encourage le nouveau Gouvernement à créer les conditions politiques et sécuritaires nécessaires pour garantir l'organisation d'élections équitables, crédibles et inclusives. Il se réjouit que le CEP, avec ses nouveaux membres, pourra continuer ses activités, en toute indépendance, en vue de garantir la transparence et l'impartialité du processus électoral.

Le « Core Group » continue de soutenir les efforts de toutes les parties prenantes pour le renforcement de la stabilité, la consolidation de la démocratie et le rétablissement du plein fonctionnement des institutions du pays. [MINUSTAH]

Installation des membres du nouveau CEP : Le Premier ministre Evans Paul exhorte le nouvel organisme électoral à se mettre au service de l'histoire

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Le Premier ministre Evans Paul a procédé vendredi, à l'installation des neuf membres du Conseil électoral provisoire (CEP), à l'issue de leur prestation de serment à la Cour de Cassation. Ce CEP, a fortement souligné le chef du gouvernement, inspiré de l'esprit de l'article 289 de la Constitution, a la responsabilité historique d'organiser des élections législatives, communales et présidentielles inclusives, libres, honnêtes et démocratiques dans les dix départements géographiques du pays dans le courant de l'année, conformément à l'arrêté présidentiel le nommant.

C'était l'occasion pour le Premier ministre d'en appeler au rapatriement et à l'allègement du coût de l'organisation des élections, acte fondamental de souveraineté nationale et de la vitalité de la démocratie. D'un autre côté, il a solennellement donné la garantie que son gouvernement restera impartial et au-dessus de la mêlée, tout en exhortant les membres du CEP à emboîter le pas.

Les cérémonies de prestation de serment, puis d'installation des membres du CEP, issus d'horizons divers et librement proposés par les secteurs vitaux et apolitiques du pays, témoignent de la bonne volonté et de la disposition de l'administration Martelly-Paul de maintenir un climat favorable à la tenue de compétitions électorales respectueuses de l'Etat de droit. Pour le Premier ministre, ce nouveau CEP est l'aboutissement d'un combat démocratique et d'un engagement patriotique entre les trois pouvoirs de l'Etat et t les acteurs de l'opposition plurielle.

Le chef du gouvernement de consensus et d'ouverture promet de réaliser de très bonnes élections adaptées aux ressources du pays, tout en réaffirmant, en outre, l'inébranlable volonté du régime Martelly-Paul de continuer àœuvrer à la modernisation de l'administration publique, à la décentralisation de l'Etat et à l'amélioration continue des conditions de vie de la population. [Primature]

CEP : le Premier Ministre Evans Paul exhorte les conseillers à se mettre au service de l'histoire :

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